Mise à jour : 21 Janvier 2013

 

Elie Narboni

Chantre à la Synagogue Jaïs d'Alger (rue Scipion)

 

Les Piyyutim

 
... " À l’origine les piyyutim (pluriel de piyyut) – poèmes liturgiques – étaient chantés pour rehausser la prière.
Au X ème siècle, l’Espagne (Andalousie) devint le plus grand centre de production de piyyutim.
À la différence du piyyut ancien ou classique, le piyyut espagnol emprunta les codes de la poésie arabe à l'instar de nombreuses langues (Turque, Farisî, ).
La rime fut introduite dans la poésie hébraïque qui ne l'utilisait pas. Les procédés métriques (Buhur) furent introduit en "inventant" la notion de syllabe brève. Les syllabes vocalisées de la langue hébraïque étaient considérées comme des longues ou surlongues.
Avec ces deux entités on pouvaient calquer les mètres arabes et en inventer d'autres.
Le piyyut (chant) deviendra alors un modèle de contre-facture (Qiyyas) : Substitution du texte hébraïque au texte arabe primitif (Qacida, Muwwashah, Zajal ou poème populaire) en respectant la loi prosodique et en respectant la construction mélodique du chant arabe. (Jusqu'à utiliser les mêmes vocalises). Les deux versions musicales concordent parfaitement et les lignes mélodiques se recouvrent exactement.
Mais, au niveau de la thématique, les textes ne se superposent en aucune façon : le poète juif a des préoccupations qui concernent la foi et la liturgie, alors que les compositions qu’il adapte sont souvent de caractère profane, véhiculant une poésie laudative ou érotique." ... [1]
 
[1]. Source principale: "Transculturalité et identité musicale dans les répertoires judéo-espagnols" Article de Sami Sadak
 

Illustration

 
Pour illustrer cette tradition que nous avons aussi connue en terre d'Algérie nous vous proposons deux enregistrements de Elie Narboni chantre de la synagogue Jaïs d'Alger (rue Scipion): Le premier, un Niçraf Raml "Shoresh bno Ishaï", le second "Natan likha ‘azra" un Meçaddar Raml al Maya.
Voir la discographie de cet interprète ci-dessous:
 

Discographie de Elie Narboni

 

GRAMOPHONE (Année 1911)

Titre: Sourah Adoni (Derdj maïa) Traduction: Nous sommes éclairés par la lumière de Dieu
Titre: Semhi Raia (Inçiraf Rasd ed dhil) Traduction: Fête populaire
Titre: Ma adabbir (?) Traduction: A qui parler
Titre: Mana vo al arim ragli (Inçiraf maïa) Traduction: Combien mes pieds sont courts par les montagnes
Titre: Rohahaon Neghdi Natana (?) Traduction: O Dieu, misericorde de ce qu'ils ont donné
Titre: Shouriche Beno (Inçiraf Raml) Traduction: Les descendants d'Isai. Enregistrement proposé plus bas.
Titre: Ouber umviha Tismah ( ?) Traduction: Ta présence nous réjouit
Titre: Ribot sifa (Inciraf Raml) Traduction: Disparte des lèvres
Titre: In goïme megdou (Niqlab raml al maya) Traduction: Les étrangers de la religion Israëlite
Titre: Halaf aguichim (Niqlab sika) Traduction: Les rafales de la pluie
Titre: Kol Mohonot (Derdj sika) Traduction: Toutes les armées
Titre: Pirah Guibirim (Derdj raml el maya) Traduction: Je sème ma force
Titre: Chaar achir nizgab (Inçiraf zidane) Traduction: La porte qui s'est fermée
 

PATHE

Titre: Pirah Guibirim (Derdj raml el maya) Traduction: Je sème ma force
Titre: Natan likha ‘azra (meçadar raml al maya : madhloum) Traduction: Il m'a apporté de l'aide. Proposé plus bas.
Titre: Bimoussaï Youm Ménoh’a (Ya chabih di el hilal)
 

Petite Parenthèse "Hébreu" (ivrit)

 
Pour ceux que cela intéresse, voici un petit résumé sur la langue utilisée... (d'après ce que nous avons retenu de nos cours)
 

Table des 22 Consonnes (Graphiques)

 
L'hébreu se lit droite à gauche (comme pour l'arabe). Il y a 22 consonnes dans l'alphabet. Elles peuvent avoir plusieurs prononciations. Parfois (mais pas toujours) on ajoute un point ("le daguésh") pour distinguer deux sons écrits avec la même lettre. Le "daguésh" concerne principalement les lettres Bét, Kâf et Pê (cases en vert) mais il affecterait aussi trois autres lettres Guimél, Dalét et Tâv - comme pour l'arabe - (cases en jaune). [Et sur le texte on voit même le Daguésh accompagnant un Mém ou un Nun. (?)]
Certaines lettres ont deux graphies (K, M, N, F, Ç); l'une correspondant à une position finale dans le mot (la lettre est dite "Soffit"). Enfin, on place un point en haut à droite ou à gauche pour différencier un SH d'un S mais cela n'est encore une fois pas obligatoire, comme pour toute la ponctuation, .
Pour les sons étrangers on se sert aujourd'hui d'une apostrophe (à ne pas confondre avec un Yod) qu'on associe à une lettre (le Guimél pour le son Djeu, le Tsâdi pour le son Tsheu et le Zaïn pour le son Jeu. (En gris sur le tableau).
(Voilà ce que nous avons capté pour le moment - juste pour une "petite immersion" - en attentand un commentaire de spécialistes de la langue.)
 

 

La vocalisation des syllabes (consonnes)

 
Il existe plusieurs signes de vocalisation (qui ne sont pratiquement pas portés sur le texte - un peu comme ce que nous avons dans les journaux en arabe ou sur les manuscrits de musique; l'usage de la langue nous apprend - en principe - à bien vocaliser). Les semi-voyelles sont aussi utilisées pour vocaliser un texte. Voici les principaux signes qui se placent en général sous la consonne (il en existe d'autres - combinaisons de signes - trop compliqués à notre petit niveau mais heureusement rarement utilisés dans l'usage courant):

 

Premier Enregistrement de Narboni

 
Le premier Piyyut chanté par Narboni "Shoresh Bno Ishaï" est un Niçraf de la Nouba Raml. Le texte arabe qui lui correspond est : " Yaddaradju Dardj Al Hamâmât Fi Burûdj ". Voici comment se présente le texte en hébreu.
 

Le Texte

 
Auteur: Le texte est du grand poète du XIème siècle Salomon Ibn Gabirol. (1021 Malaga - 1058 Valencia)
Thème: Ibn Gabirol implore Le Créateur de mettre fin à son l'exil.
 
Note sur la métrique: La poésie hébraïque à l'époque andalouse a adopté les codes de la métrique arabe. Dans cet exemple c'est la "Shéva" (une pause ou une syllabe muette) qui détermine position de l'entité "syllabe brève" (b ou U) ; les syllabes vocalisées (longues ou sur-longues) seront considérées comme des longues (L ou -). [Mais cela demande confirmation pour une généralisation. Nous ne sommes pas des spécialistes de la poésie en hébreu.]
L'alternance des longues/brèves est indiquée en marge du texte (pour le premier vers).
On peut déjà remarquer que l'hémistiche (ou demi-vers) comporte quatre paradigmes groupés deux par deux (et repérés : 1 + 2 + 1 + 2 sur le schéma; plus bas) . La forme métrique serait donc une sorte de dérivé "improbable" d'un mètre Al Bassit (à 12 syllabes). Improbable à cause des cinq longues qui se suivent; une occurrence qu'on ne rencontre jamais pas en poésie arabe.
A moins que nous ayons affaire à une "compilation" de deux hémistiches courts (à deux paradigmes chacun comme il y en dans la poésie du répertoire Çana d'Alger), hémistiches à classer soit dans la famille des Rajaz (pour faire simple), soit avec d'autres formes si on veut faire savant.
La formule métrique utilisée dans ce Piyyut (pour chaque hémistiche = demi-vers) est la suivante: Mustaf3ilun / Fa3lân // Mustaf3ilun / Fa3lân; soit (de droite à gauche): (- - / - u - - // - - / - u - - <=== )
 
Le texte arabe qui correspond à la mélodie du Niçraf Raml (" Yaddarradju Dardj Al Hamâmât Fi Burûdj ") est quant à lui "strictement" dans le mètre Al Rajaz à trois paradigmes et en 12 syllabes.
Il y aura donc une concordance quantitative (syllabique) entre les deux textes mais pas de réélle concordance métrique. Forme du Rajaz : Mustaf3ilun / Mustaf3ilun / Mustaf3ilun ;
Soit de droite à gauche(- u - - / - u - - / - u - - <==): Il n'y a concordance que pour le premier paradigme des deux formes métriques.
 
La poésie est en acrostiches (c'est-à-dire qu'en groupant les premières lettres de chaque vers on obtient le nom ou le pseudo de celui qui a composé le poème. Pour ce texte vont apparaitre les lettres SH. + L. + M + H = Shelomôh qui est la signature de Ibn Gabirol.
D'autres grands auteurs de Piyyut sont connus comme Abraham (Abraham Ibn Ezra) ou Yehouda (Rabbi Yehouda Halevi) tous d'andalousie.
 
Ibn Khaldoun, dans sa "Moqaddima" nous parle aussi poèmes acrostiches de l'époque andalouse qui ne concernent pas uniquement la première lettre du vers mais une lettre d'un rang déterminé dans le vers. Un sacré défi poétique ... et une façon originale de signer pour l'auteur du poème!
 

Nous avons tenté une phonétique (syllabe par syllabe) pour le premier vers. La suite est proposée aux lecteurs comme un divertissement... histoire de se familiariser avec l'alphabet hébreu. On remercie notre contact Ariel C. pour son concours et pour sa déclamation du texte.

Déclamation du poème par Ariel C. (ralenti pour les besoins de la cause)

 

Essai de Traduction littérale (Par Ariel C. )

 
(Sh) Racine du fils de Ishay (l’ancêtre du roi David) jusqu'à quand seras-tu enterré comme une racine dans la terre ?
Sors, comme une fleur, car l'automne est déjà passé.
(L) Pourquoi le fils d'une servante doit il régner sur des fils de princes ?
Pourquoi "Shair" (celui qui est  velu) doit il régner sur "Tsair" (l'imberbe)
(M) Cela fait mille ans que le temple (de Jérusalem ) a été détruit et je suis asservi;
Je vis en exil comme cet oiseau du désert.
(H) Celui qui est habillé d'un habit (l’Ange Gabriel qui a parlé au prophète Daniel) peut-il me dévoiler
Quand  serais-je délivré (de l’exil) de cette chose-là, qui vient du Créateur et qui ne m'a pas été dévoilée ?
 

Le Chant

 
A l'écoute on ne peut que contater que la correspondance entre le Piyyut (la contre facture) et modèle d'origine Niçraf Raml.est remarquable. Mieux encore, ce chant apporte trois éléments essentiels:
1- Une technique pour les signatures des différents motifs qui le constitue et quelques variations sur la ligne mélodique;
2- Un façon originale de procéder au découpage (délimitation des paradigmes de la forme métrique hébraïque);
3- Et enfin, le plus important car cela relève de l'équilibrage des structures mélodiques - Mizane -, des éléments pour "rallonger" (Restaurer) la Tlaliya (série de vocalises) dans la version arabe (actuelle).
Tous ces éléments nous incitent à nous pencher un peu plus sur cet enregistrement.

Ouvrir le fichier (Chant Narboni) :

 

Analyse (Chant et Texte) en comparaison avec la version en arabe

 
On se limitera pour l'analyse au premier hémistiche des Âghçâne (pour l'arabe comme pour l'hébreu).
Voici ci-dessous la transcription du Niçraf tel qu'il se fait actuellement.
Chez Narboni le rythme n'est pas aussi " strict " mais la délimitation des phrases est concordante avec la version (mélodie) que nous connaissons actuellement.
Aussi nous avons placé les syllabes en Hébreu pour les besoins de l'analyse. (Notons que la prononciation de Narboni est légèrement différente de celle proposée dans la déclamation. [Les connaisseurs de l'hébreu nous expliquerons sûrement ce détail.])
 
Notes:
1- Aux ligne 3 et ligne 5; Narboni fait quelque chose de différent. Une variante intéressante que nous avons superposée en bleu.
2- Narboni propose une vocalise plus longue ! (Un indice pour essayer de rétablir l'équilibrage de la construction mélodique de la version actuelle.). En effet, on remarque que chaque hémistiche évoluera sur 06 mesures de Niçraf (noté à 16/16 ; demi-mesure à trois temps inégaux : Court Long Long ) alors que la vocalise actuelle ne comporte que 04 mesures de Niçraf.
Un des moyens à utiliser pour rallonger cette vocalise serait de procéder comme Narboni (en doublant un motif) mais en "encadrant" mieux le rythme Niçraf. Cela a été proposé - de son vivant - par notre Maître Djaïdir Hamidou. Il nous est agréable aujourd'hui de constater que Narboni va dans cette direction.
 
Le plus curieux c'est de constater que les deux versions arabe et hébraïque souffrent du même problème et au même niveau de la construction mélodique: En somme une parfaite contre-facture, même les "supposés" défauts seraient reproduits!
Version hébraïque: Vocalise longue mais non "cadrée" sur la mesure Niçraf; (environ 5 mesures de Niçraf)
Version arabe: Vocalise courte mais cadrée sur la mesure. (en 4 mesures)
L'idée serait d'arriver à faire la vocalise en 6 mesures et si possible en la cadrant avec le rythme.
 

Ouvrir le midi pour avoir une idée de la réplique instrumentale (identique au chant):

 

Lecture:

 
Pour réaliser la contre facture alors que les deux formes métriques ne sont pas totalement identiques, la tradition hébraïque va jouer sur l'accentuation des syllabes. Ainsi en exploitant le fait qu'une syllabe longue non-accentuée est équivalente - du point de vue musical - à une syllabe brève, elle va réaliser un découpage "non-conforme" de la formule métrique qui régit le texte en hébreu "Shoresh..." [(Paradigme 1 + Paradigme 2 + Paradigme 1 + Paradigme 2)] pour la transformer en une formule à trois paradigmes (1, 2 et 3) tous différents par la forme mais équivalents du point de vue de l'accentuation au paradigme de la poésie arabe (le Paradigme 1 : Mustaf3ilun : - u - - <=) qui régit le texte en arabe ("Yaddarradju..").
Voir schéma plus bas.

Traduction littérale: (Elles avancent - marchent - comme des pigeons dans leurs tours / );
 
Sur la transcription on notera la "stabilité" de la position des syllabes du texte arabe dans la mélodie : Syllabes brèves - encadré rouge -, syllabes longues non-accentuées - surlignées en jaune -.
Par contre, la syllabe brève de l'hébreu va "migrer" comme pour mettre en place un nouveau modèle "cohérent" de découpage dit "découpage non-conforme". Modèle qui rejoindra le modèle arabe en Rajaz.
(Voir article en langue arabe sur le site concernant ce sujet zt ayant trait à la poésie dans le répertoire Çanaa).
 

Pourtant ...

 
Pourtant cela reste curieux comme procédé de contre facture: Car en examinant la poésie du Matlaa (en arabe) on constatera qu'elle utilise excatement la même formule métrique que le texte en hébreu.
De plus, et comme on s'y attendait plus haut, la forme métrique de l'hémistiche en hébreu est constittuée par la fusion de celles -identiques - des deux hémistiches du Matlaa en langue arabe. Voir schéma ci-dessous.

Traduction Littérale : (Elles se levées de concert et en rang - // On aurait dit l'armée (les soldats) d'un sultan)
 

Conclusion

 
Le texte hébreu apparaît donc comme une contre facture du Matlaa du Niçraf Raml pour ce qui est de la poésie (formule métrique). Mais le chant (la méodie) se calquée sur celui des Âghçane après un savant "remodelage" des paradigmes (expliqué plus haut)
Notons que l'air du Matlaa (arabe) est tiré de celui du Ghessen: Mélodie des lignes 5 et 6 réunies. (la transcription donnée plus haut.)
Enfin, la voie pour restaurer "Une" bonne vocalise en 06 mesures de Niçraf est toute tracée. Merci à Narboni ... et à l'invention du disque.
 

Le texte arabe

 
Texte dans la forme Rajaz, mais la langue utilisée pour ce texte est beaucoup plus proche du Melhoun -poésie populaire qui ignore la syllabe brève et qui est construite sur l'alternance Longue/Sur-longue - que de celle du Zajal (qui a recours à la brève de l'arabe classique).
 

 
 
 

Hypothèse I.

Dans une lecture façon "Zajal" - c'est-à-dire à la façon dont le texte est déclamé actuellement - il y aurait plusieurs défauts à corriger pour rester sur le modèle du Rajaz à 12 syllabes (06 syllabes pour le Matlaa).
Cela est faisable. Mais le texte reste peu convaincant : rythme approximatif, musicalité douteuse, répétition de mots et de verbe (lexique pauvre), sens du 2ème vers du Matlaa (trop flou), etc.

 

Essai de Traduction

 
Le texte commence par deux vers (vers 1 et vers 2) qu'on ne chante pas à Alger. (Ils sont chantés à Tlemcen. Sauf qu'à Tlemcen on ne chante pas le vers 3 ("yadarradju"); c'est-à-dire le premier vers de la version algéroise.
Vers omis 1: Ô vous les amoureux, le feu de (mon) amour s'embrase (fait des flammes) / Ma vue m'a ravi et mon esprit n'est plus à moi
Vers 2 omis: Un mercredi j'ai croisé j'ai croisé les pléiades (sept étoiles) / De belles jeunes filles à la beauté angélique
Vers 3 = Premier vers à Alger. On sait que l'auteur parle de ces jeunes filles. Il dit:
 
1- Elles avancent (à petits pas ) à la manière des pigeons dans leurs tours
Au milieu des jardins (fleuris) où elles évoluent d'un pas gracieux.
2- Elles cueillent des fleurs d'oranger et du jasmin et même de la camomille
Des violettes bleues qu'elles cueillent au ras de la verdure (jeunes pousses)
3- Les feuilles (des arbres) frémissent autour d'elles dans un bruit de cymbales (petites cymbales en cuivre qu'on portent aux doigts - pouce et index - utilisées comme percussion dans les orchestres d'autrefois)
Et tous les oiseaux de répondre par des louanges au Dieu qui entend tout
Mais on peut aussi comprende et c'est plus logique : Les pigeons ramiers (à cause de la couleur verte) qui dans leur envol font un bruit de cymbales qui accompagnent le gazouillis des autres oiseaux (qui sont d'après la culture populaire - en relation avec le Texte Sacré - autant de louanges au Seigneur qui entend tout.
4- Elles se sont toutes levées de concert
On aurait dit l'armée (les soldats) d'un sultan
5- (Vers imprécis : Il y des roses; c'est sûr. Peut-être des bouquets de roses dont elles font des couronnes qu'elles portent en diadèmes ? C'est en tous cas ce qui colle avec le texte.
6- Elles ont cueilli du jasmin
D'entre ces branchages
7- Je les ai vues confectionner des colliers de fleurs d'oranger
Et l'églantine s'est enchevêtrée sur leurs poitrines pour se hisser plus haut
 

Hypothèse II - La plus probable -

 
Plusieurs indices nous laissent penser que le texte doit être envisagé non pas comme un Zajal mais comme une composition de la poésie Melhoun et particulièrement de la poésie de la famille du Melhoun Al Rajaz.
Les mètres du Melhoun Al Rajaz, basés sur l'alternance Longue / Sur-longue se construisent à partir du mètre al Rajaz classique. Ainsi il est "théoriquement" possible de les "déclamer" à la façon du Zajal en ré-introduisant la brève. Malheureusement ce n'est pas toujours vrai pour tous les vers car langue populaire a son propre rythme et le poète peut construire sa poésie directement avec les Longues et Sur longues sans le truchement des brèves.
Nous allons illustrer cela en détail lors d'une prochaine mise à jour.
 

Histoire

 
Ce texte "Yaddaradju" était très prisé à Alger (Titre officiel : Ya 3ashiqine Nâr el Mahibba laha Wuqûd: Ô vous qui êtes amoureux le feu de l'amour produit des flammes (me consume) ) . On lui attribuait un air de Zendani qui était joué par l'orchestre lors des fêtes de circoncision quand le jeune garçon devait se présenter à l'assistance juste avant de passer entre les mains du "chirurgien du coin". Rouanet raconte une cérémonie en détail comme il donne une transcription (plus ou moins fidèle) de l'air en question (Jule Rouanet Encyclopédie de Lavignac Tome V Page 2838 )
Par ailleurs le texte "Shoresh..." (bien que dans un autre registre) était joué dans les fêtes de mariage. (selon les précisions de notre ami Ariel. C.)
 

Deuxième enregistrement de Narboni

 
Le deuxième enregistrement se sert de la mélodie du Meçaddar de la Nouba Raml al Maya "Madhloum Wa Mushtaki".
Le texte "Natan likha ‘azra" ( Il m'a apporté de l'aide.) est une sorte de prière. Chant joué lors des mariages dont voici la traduction. (signée Ariel Carciente)
 
1- Il  t’a donné une aide, le Père Miséricordieux ( Adam le premier homme a reçu du Créateur une aide : Ezer = Eve la première femme / selon la tradition de la Bible.)
2- Une belle épouse nantie et saine, femme fidèle et de bonne famille.
3- Joyeux et agréable, ton sceau sera toujours disponible en ton cœur.
Texte inspire aussi du cantique des cantiques du roi Salomon ou l’on parle de la fiancée : "place-moi comme un sceau sur ton cœur, comme un sceau sur ton bras car l’amour est fort comme la mort, la passion comme le chéol."
4- Comme le sceau qui laisse pour toujours une marque, ton amour ( celui du marie) aussi sera toujours là.

Texte dit par Ariel Carciente => Ouvrir le fichier:

 

Chant

 
Nous proposons le chant sans accompagnement d'une transcription. L'idée est de présenter la contre facture. Pour ceux qui connaissent le Meçaddar Raml Al Maya en question (dans la version arabe) on demandera de faire attention aux vocalises (place et longueur) ainsi qu'à la construction mélodique. Autant dire que la correspondance est parfaite. L'analyse pourrait révéler quelques détails intéressants mais on aurait aimé avoir le Matlaa de la pièce car c'est lui qui concentre le plus d'interrogations (questions de structures mélodiques).
Notons que Rouanet a transcrit cette pièce dans son étude sur la musique au Maghreb (Alger) c'est dire l'importance qu'avait ce Meçaddar (Un monument) dans le répertoire algérois.

Ouvrir le fichier:

 

Conclusion

 
Au delà de rendre hommage à ceux qui ont, de leur temps, rendu hommage à la musique en nous "léguant" un instantanée de la tradition orale quasiment commune aux deux communautés (juive et musulmane), l'étude comparée de ces contre factures appartenant à la tradition hébraïque peut nous apporter un éclairage bénéfique pour comprendre encore plus et encore mieux l'art de la Nouba et des chants apparentés.
 

Les maîtres (Kamel Malti ou Djaïdir Hamidou qui faisait partie de l'Orchestre de Lili El Abassi et qui a donc eu à se produire aussi bien pour des soirées en chant arabe qu'en chant hébreu) nous parlaient beaucoup de cette tradition "jumelle" et des chants détenus au niveau des synagogues d'Alger. Nous avons ainsi pu reconstituer un Niqlab dans le mode Mezmoum d'après un air qu'avait retenu notre maître Hadj Hamidou ( Paroles du début : "tura tibi ..." ). Mais qu'en est-il au juste de cette tradition - spécialement dans le microcosme algérois - ? Les enregistrements sonores de cette époque resteront - pour le moment - notre seule "matière consistante" . Il ne faudrait donc pas les négliger.

 

Remerciements à Waïl Labassi, Peter et Ariel pour les documents, infos et commentaires qui ont permis de réaliser de cette page... comme promis.

Et si "Samarcande" veut se remettre un peu à l'hébreu alors nous progresserons sûrement dans l'apprentissage de cette langue.

 

 

 
Retour au Sommaire. Retour à Partitions.
 
Contact : groupe_yafil@hotmail.com

ã Le Groupe YAFIL Association 2013