LES TUBU' DANS LA ÇAN'A.

 

Avant-Propos

Introduction

Résumé des Notions sur les Tubu'

Eléments pour l'Analyse des Tubu'

Les Tubu' au cas par cas

Perspectives

 
 
 
 
  • AVANT-PROPOS.
                 
En abordant l'étude des Tubu' (Modes Mélodiques) nous devons composer avec la quasi-absence d'une terminologie adaptée et avec la rareté des écrits qui traitent de la question. Des écrits qui restent le plus souvent très confus sur la théorie musicale pour tout ce qui concerne les rythmes, la poésie, les modes... Même les Maîtres de la tradition n'ont pas toujours su apporter des solutions satisfaisantes à certains "problèmes" qui se sont posés aux musiciens...

Quant aux travaux musicologiques, nous constatons qu'ils empruntent, le plus souvent, des termes "étrangers" à la tradition musicale. Ils font systématiquement référence à d'autres musiques (grecque, persane, grégorienne, occidentale, maqam arabe oriental, etc.) pour "tenter" de nous expliquer certains aspects des Tubu'... Sans pour autant nier les ressemblances qui pourraient exister avec d'autres musiques modales, nous avons le droit d'être sceptiques devant toute démarche qui ne serait pas basée sur l'étude du répertoire... La Çan'a doit être capable de développer son propre langage : c'est là un défi que les musiciens d'aujourd'hui devront relever pour la cohérence et la pérennité de leur tradition...

Notre exposé, une modeste contribution à ce projet, n'a ni la prétention d'être complet et exhaustif ni, loin s'en faut, celle d'expliquer les Tubu'... Nous attendons donc beaucoup des remarques et des suggestions des lecteurs, pour améliorer son contenu et pour en faciliter sa lecture...

                 

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  • INTRODUCTION.
                 
Le Tab' (plur. Tubu' ) désigne au Maghreb l'ensemble des manifestations que produirait la musique sur un auditeur... Ce concept qui prête à la musique le pouvoir de modifier les états psychophysiologiques renvoie aussi aux caractéristiques mélodiques des compositions musicales. On comprend alors que plusieurs "sciences" sont venues "graviter" autour de cette notion de Tab' au point de reléguer la théorie musicale au second plan :

- La médecine et l'alchimie avec la théorie des éléments (air, feu, terre et eau) et des humeurs (bile, atrabile, flegme et sang ) et ses implications en musicothérapie ;

Dans son poème Abd Al Wahad Ben Ahmed Ben Yahia Al Wansharissi ( Fés 1443 - 1549 ) nous fait la correspondance entre les dix-sept ( 17 ) Tubu' Marocains (classés en fondamentaux et en dérivés) et leurs actions sur les Humeurs...

- L'astronomie, les mathématiques avec les références aux nombres : sept pour les planètes connues, vingt-quatre pour les heures du jour, etc. ;

- L'astrologie et autres sciences ésotériques (Voir bibliographie; Ibn Khaldoun par exemple.) ...

Pour le musicien il faudra définir les Tubu' en se basant sur la technique musicale. Eventuellement trouver une correspondance entre toutes ces notions "liées" aux Tubu' et le langage musical...

Y a-t-il vraiment quatre éléments de base en musique? Et à quoi correspondent-ils ? Pourquoi sept Tubu' fondamentaux et pas plus ? Le nombre des Tubu' dérivés est-il vraiment limité ? Pourquoi vingt-quatre Nouba ? Pourquoi une heure déterminée et pas une autre pour chaque Nouba ? La tradition rapporte que chaque Nouba devait se jouer à une heure de la journée : Sika en début d'après-midi; Ramal au coucher; Raml-al-Maya en début de soirée; Aaraq, Zidane, Hsin avant minuit, Mjenba à minuit, Dhîl, Rasd, Mezmoum après minuit; Rasd-ed-Dhîl, Maya, Rehaoui (pris dans le sens de programme religieux et pas de Tab') juste avant l'aube. ( Cette idée d'associer une Nouba ou des Tubu' à des heures du jour se retrouve dans tous les répertoires Maghrebins de la Nouba.)

             

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  • RESUME DES NOTIONS SUR LES TUBU'.
                           
Dans la Çan'a les pièces musicales sont presque toujours regroupées en familles ou, si nous préfèrons en programmes. La plus structurée de ces familles reste la Nouba (Voir Présentation).

Chaque Nouba tire donc son nom d'un Tab' principal. Mais il faut savoir que les pièces qui constituent une Nouba ( Les Meçaddar, Btayhi, Derdj, Niçraf et Khlass ) n'évoluent pas forcément dans ce Tab' unique. Cette nuance entre le nom d'une Nouba et les Tubu' des pièces qui la constituent doit être soulignée.

C'est ce qui a fait que des pièces appartenant à des Noubates "oubliées" ( pièces dites orphelines) ont été classées et rattachées à des Noubates voisines (de Tab' voisin). Dans ce reclassement les pièces auraient peut-être subi quelques transformations comme l'altération de certains degrés. (Voir commentaires de Salvador-Daniel et de Rouanet sur ce sujet.). Avec une certaine réserve nous pouvons dire que la "richesse" de certaines Noubates (comme Hsin, Raml-al-Maya) peut aussi s'expliquer par ce processus de reclassement et d'emprunt... La rencontre dans une NOUBA de pièces aux "sonorités" étrangères à celles du Tab' principal reste assez fréquent. Cet autre aspect souligne la complexité du phénomène des Tubu' dans la çan'a et nous suggère de nous pencher un peu plus sur le classement des Noubates.

                             
1 / Nom des Notes
                           
Dans la Çan'a et jusqu'à la moitié du vingtième siècle, les notes de musique portaient toutes des noms spécifiques : (en minuscule pour ne pas les confondre avec les Tubu' du même nom.)

Dans son livre "Kashf Al Qinaa", Al Ghouti Bouali (voir Bibliographie) nous dit : "La première note est dhîl, la seconde maya, la troisième sika, la quatrième mezmoum, la cinquième ramal, la sixième hsin et la septième sika-hsin."

Mais chez les musiciens et dans la pratique nous rencontrons deux correspondances avec les notes "occidentales". Correspondances qui seraient en toute probabilité en relation avec la hauteur de la note la plus grave que donne l'instrument : Sol pour l'accord courant de la Kwitra ou Do pour un certain accord du luth (accord en quartes souvent modifié dans la pratique). On trouvera donc : dhîl (Sol/Do), maya (La/Ré), sika (Si/Mi), mezmoum (Do/Fa), ramal (Ré/Sol), hsin (Mi/La), sika-hsin (Fa/Si) suivant les musiciens. Mais la correspondance Do/Ré/Mi/Fa/Sol/La/Si reste la plus courante actuellement. (Cette correspondance est toute relative car en musique arabe la hauteur absolue des notes ne veut pas dire grand chose, c'est la nature des intervalles qui compte.)

La confusion qu'il y avait dans cette nomenclature ( les notes altérées n'ayant pas de dénomination précise dans la pratique...) ; les transpositions courantes que faisaient les chanteurs chacun suivant sa tessiture - [on disait un tel musicien joue le Tab' Raml-al-Maya sur la note ramal (Sol) ou sur la note maya (Ré), etc.]; l'adoption des instruments occidentaux (violon, mandoline, piano... ); le souci d'une certaine "homogénéité" entre les musiques du Maghreb et la musique orientale (depuis le premier congrès de musique arabe du Caire en 1932) ... a fait qu'à terme plus aucun musicien Çan'a n'utilisera le nom traditionnel des notes !

Nous disons actuellement pour les douze degrés utilisés dans la Çan'a : Sol, La, Sib ou La#, Si, Do, Do#, Ré, Mib ou Ré#, Mi, Fa, Fa#, Sol# .

                           
2/ Nature de l'échelle musicale
                           
La nature de l'échelle musicale et celle du systéme utilisé dans Çan'a reste un sujet très controversé comme nous pouvons le voir à travers les actes des différents colloques consacrés à la musique arabe... (gamme pythagoricienne, gamme harmonique, gammes tempérées, nature des intervalles, etc.)

Si nous considèrons les accords des instruments traditonnels (Kwitra, Luth, Rebab), nous pouvons dire que la Çan'a connait la quarte juste, la quinte juste et la seconde majeure. Ces trois intervalles sont en toute vraisemblance "callés" sur les valeurs communes aux deux gammes de pythagore et harmonique (rapport de fréquence à la note de base respectivement de 4/3, 3/2 et 9/8).

En outre, tout porte à croire que les intervalles de seconde, qui sont au coeur du débat, restent dans la gamme dite de pythagore...

Remarque: En utilisant des instruments à son fixes sur la gamme tempérée (Mandoline, Piano, etc.) , le musicien va rencontrer quelques petits "désagréments" avec certains degrés lors de l'exécution de certains Tubu'. Par exemple :

- Sur un Tab' de note de base Do, il trouvera que le Si est légèrement plus bas qu'il ne faudrait (cas du Maya, par exemple).

- Les Fa# se trouvent légèrement plus haut qu'il ne faudrait (surtout avec les Tubu' ayant le Ré comme note de base; fréquent avec Hsin, Ghrib, Jarka et même Moual).

- La position du Mib restera "acceptable" même si certains musiciens la sentent plus basse.

- Le décallage qui existe entre la partie vocale (où la mobilité de la voix permet certaines fioritures , le plus souvent intraduisibles sur un instrument) et la partie instrumentale (où les possibilités de chaque instument vont s'exprimer différemment) a fait que certains musiciens "militent" pour l'introduction dans la Çan'a de micro intervalles de 1/2 et 1/3 de ton.

Les musiciens Çan'a n'utilisaient jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle que des instruments sans frettes (Rebeb, Kwitra de plusieurs types, Luth et par la suite alto et violon). S'ils ont "opté", aussi facilement, pour certains instruments à gamme tempérée "occidentale" ( = octave divisée en douze intervalles égaux) c'est que cette gamme reste une très bonne approximation de celle qu'ils avaient l'habitude de pratiquer. Les anciens témoignages écrits sur cette musique ( Savador-Daniel et autres; voir Bibliographie), les anciens enregistrements, les répertoires apparentés, ... autant d'éléments qui nous suggèrent que dans la Çan'a nous pouvons "nous en sortir" sans avoir besoin de recourir à des micro-intervalles de quart ou de trois quarts de Ton...

Notons que même dans le Maqam Oriental la valeur théorique de ces trois quarts de Tons n'est pas définie avec précision et qu'elle reste approximative et variable suivant les Maqams et suivant les interprètes. On pourrait, à titre d'expérience, relire tous les Tubu' de la Çan'a en utilisant les micro intervalles du Maqam oriental et voir si cela peut aboutir à quelque chose de cohérent...

                           
3/ Nom des Tubu'
                           
Les Tubu' sont désignés par des noms de personnes (Zidane, ...) ou par des références géographiques (saba= l'est), par des noms liés à la technique musicale arabe ou persane (mjenba , jarka = 4ème degré, ...) par une référence à une heure du jour (Açil = du milieu de l'après-midi au coucher ; Aachia= période s'étalant du coucher à la tombée de la nuit) mais aussi par des noms dont on ignore toujours la signification où dont l'étymologie reste contestable...

Certains Tubu' ( Dhîl, Jarka, Aaraq , Sika ) sont cités, par Salvador-Dniel, comme très usités dans la musique des berbères du nord. Est-ce à dire que les berbères avaient des noms pour désigner les modes mélodiques de leur musique ? Ont-ils renommer ces modes au contact des autres musiques et notamment de la musique arabe ? Certains autres Tubu' de la Çan'a portent le même nom que ceux des tubu' marocains ou tunisiens ou arabes mais, en général, ils n'ont qu'une vague ressemblance avec eux : Pourquoi donc un même nom sur des Tubu' différents d'un répertoire à l'autre ? Encore des questions non encore élucidées...

               
La tradition nous dit que le nombre des Noubates était fixée à vingt-quatre (24). Les vingt-quatre Tubu' principaux de ces Noubates sont cités chez Rouanet. ( D'autres auteurs avant lui en ont fait mention. Delphin et Guin, Salvador-Daniel, etc. Voir bibliographie.). On citera séparément les Tubu' qui donnent lieu à des Nouba complètes, ceux dont on ne connait que quelques fragments de Nouba et ceux qui sont supposés "perdus" mais qui en réalité ne demandent qu'à être retrouvés parmi le riche répertoire de la musique algérienne et maghrébinne....

Les douze Tubu' qui ont encore des Nouba complètes :

                             
Dhîl Mjenba Hsin Raml Raml-al-Maya
Ghrib Zidane Rasd Mezmoum Sika
Rasd-Ed-Dhil Maya      
                             
Les (trois + un) Tubu' dont il ne reste que des fragments de Nouba :
                             
Jarka Aaraq Ghribt-al-Hsin Moual  
         
Les Tubu' dits "perdus" (difficilement identifiables parmi les pièces du corpus) :
                             
Rehaoui Isbahan Kakir Isbahan çaghir Oushaq Raml-Al-Aachia
Hsin Al Açil Hsin Al Saba Hsin 'Oushayran Maya Faregh  
         

* * *

               
Nous noterons que :

a / Le Moual est cité dans la littérature mais pas comme Tab' de Nouba.

b / Salvador-Daniel (vers 1860) nous parle d'un Tab' Asbaçyan que les musiciens confondraient avec le Zidane. (C'est un Tab' nous dit Salvador-Daniel qui évolue sur les mêmes degrés qu'un Zidane ayant pour note de Base Mi. Le même auteur nous parle aussi du Hsin al Saba comme étant un Tab' proche degré pour degré de la gamme mineure harmonique...).

c / A Tlemcen on fait toujours référence à la Nouba Raml-al-Aachia (plutôt qu'à la Nouba Raml).

d / On retrouve dans le répertoire, comme nous l'avons cité plus haut, des morceaux dont les "sonorités" ne correspondent pas aux Tubu' des Noubates où on les a classés : C'est ce que nous appelons le problème du classement des Noubates. Un volet que nous aborderons plus loin. ( Ces morceaux pourraient nous aider à "cerner" certains Tubu' considérés comme "perdus"...)

e / Il existe à Alger une Nouba Rehaoui, relative à un répertoire religieux qui emprunte aussi des mélodies classées dans les Tubu' Mjenba, Rasd_ed_dhil, Maya...

 
4/ Tubu' Fondamentaux et Tubu' Dérivés
                           
Nous retrouvons dans la Çan'a la notion de Tab' fondamental (au nombre de sept) et de Tab' dérivé. Mais là encore aucune théorique ne vient nous expliquer cette hiérarchie et le mécanisme de la "génèse" de ces Tubu' dérivés... Les musiciens se basent pour cette classification uniquement sur la pratique de la Nouba qui, dans son déroulement, intègre un Istikhbar (improvisation vocale et instrumentale tiré de la Nouba des Niqlabates). L'Istikhbar étant censé définir le Tab' fondamental d'une Nouba. Voici donc ci-dessous ces sept Istikhbar fondamentaux et les Tubu' dérivés qu'ils définnisent :

1. Du Tab' Moual è Moual; Dhîl ; Rasd-Ed-Dhîl ; Maya.

2. Du Tab' Zidane è Zidane ; Raml ; Mjenba.

3 . Du Tab' Raml-Al-Maya è Raml-Al-Maya ; Rasd.

4. Du Tab' Aaraq* è Aaraq; Hsin ; Ghrib ; Ghribet-Al-Hsin (qui n'a pas de Nouba complète).

5. Du Tab' Djarka è Djarka (qui n'a pas de Nouba complète).

6. Du Tab' Sika è Sika.

7. Tab' Mezmoum : Mezmoum ; ( Rasd selon certains musiciens. )

Ceci nous donne un total de ( 16 ) seize Tab' dont sept ( 07 ) dits fondamentaux.

(*): Dans la pratique les musiciens parlent de deux improvisations dans le Aarak qu'ils ont pris l'habitude de désigner par "Aaraq / Aaraq" et "Aaraq / Ghrib". La première basée sur le tricorde (Ré-Mi-Fa#) et la seconde sur le tricorde (Ré-Mi-Fa). Généralement la première est "réservée" à la Nouba Hsin et la seconde à la Nouba Ghrib.

D'autres musiciens (dont le Maître Sadeq El Bidjaoui) nous disent que le Ghrib serait un dérivé du Maqam oriental "Bayati", un mode que nous retrouvons dans la musique populaire. Sadeq El Bidjaoui , en se basant sur cet argument et sur le fait que plusieurs morceaux du Ghrib ont une finale en Mi , nous préconise d'utiliser éventuellement un Istikhbar Sika pour la Nouba Ghrib. Nous y reviendrons plus bas...

On retrouve aussi d'autres Istikhbarates qui ne sont intégrés ni à la Nouba ni au répertoire apparenté du 'Aroubi. Le plus couramment utilisé est le "Sihli"....

Pour certains morceaux qui utilisent des signatures finales singulières ou des signatures en mouvement ascendant (façon dite "Maalqa" litt. suspendue), on parle alors de Tab' ambigu ("Ghamadh")

On voit à travers ces quelques remarques où se situe la complexité des Tubu' et le "casse-tête" que représente leur classement cohérent.

 
5/ Echelles des Tubu'
               
On ne peut véritablement parler d'échelle musicale quand on aborde les Tubu'. Même s'il existe des degrés constants pour chaque Tab', les mélodies exploitent souvent des notes auxilliaires. Il se trouve que ces notes "d'à-côté-des-notes-principales" peuvent être, dans une mélodie donnée, aussi fréquentes que les notes dites constantes au point d'être considérées comme faisant quasiment partie du Tab'.

Nous donnons ci-dessous un aperçu des degrés utilisés dans chaque NOUBA. Nous disons NOUBA et nous insistons là-dessus car on ne saurait certifier que tous les morceaux d'une NOUBA évoluent dans le Tab' Principal de cette NOUBA. (NOUBA -en majuscules- désigne chez nous l'ensemble de tous les morceaux classés dans un même Tab'. Nouba -en minuscules- désigne une séance musicale constituée de quelques morceaux de la NOUBA. Voir Partie Présentation.)

Généralement on admet que tous les morceaux d'un même Tab' doivent avoir la même signature finale c'est-à-dire une formule mélodique propre au Tab' et qu'on retrouve dans les dernières mesures d'un morceau. Mais il se trouve, comme nous pouvons le voir plus bas, qu'une NOUBA peut contenir des morceaux qui ont différentes signatures ou des morceaux qui sont sur des notes de base (finales) différentes ou des morceaux qui ayant la même signature finale exploitent des degrés différents. Question: Ces morceaux restent-ils dans le Tab' principal de la NOUBA ? On ne saurait l'affirmer... Certains musiciens diraient : "Mais dans chaque morceau d'une NOUBA on pourrait identifier les "transitions" d'un Tab' à l'autre." Cette démarche qui "décortique" les morceaux aboutirait, si on poussait la logique, à réduire le nombre des Tubu' au nombre des Tubu' fondamentaux (facilement identifiables) voire à moins que ça... Cette vieille idée (ou obsession) à vouloir réduire la musique Çan'a (et arabe) un peu à la façon occidentale en modes majeur et mineur a été émise, encore une fois, lors du congrès de musique arabe d'Alger en 2001...

Actuellement, on joue (en usage dans les associations de musique. Il n'en a pas toujours été ainsi.), les Noubates sur les notes de base suivantes: (Ce classement correspond aux notes finales des Tubu' fondamentaux -dans le jeu des Istikhbarates-. Il correspond aussi aux finales des Krissi -mélodies introductives des Tubu' de Nouba-.).

Sur la note Do : Dhîl, Rasd-ed-Dhîl , Maya et Moual.

Sur la note Ré : Mjenba, Hsin, Zidane, Raml, Raml-al-Maya, Rasd, Ghrib, Aaraq, Ghribt-al-Hsin et Jarka.

Sur la note Mi : Sika.

Sur Fa : Mezmoum.

Remarque : On constatera, voir plus bas (figures 1, 2 et 3), qu'on trouve dans la NOUBA des morceaux dont la note des base est différente du classement ci-dessus : Cela n'a rien à voir avec un problème de transposition !

En effet, si on transposait le Mjenba en Si sur le Ré, on obtiendrait une nouvelle échelle avec Ré/Mib/et Fa naturel constant qui serait toujours différente de l'échelle commune avec le Raml et le Zidane sur Ré avec un Mib et un Fa#. De plus, la note de début changerait et on ne pourrait plus intégrer la pièce dans l'enchaînement de la Nouba.

 

 
Lecture :
1- On peut voir qu'une NOUBA donnée peut contenir des morceaux ayant des notes de base (finales) différentes. Dhîl en (Do, Ré); Mjenba en (Ré, Si, Sol); etc. (Est-ce la signature de la présence de Tubu' orphelins ?)
 2- Plusieurs Tubu' peuvent exploiter les mêmes degrés et avoir la même note de base. Raml al Maya et Rasd en Ré; Moual, Ghrib et Sika en Mi par exemple. Ceci reste assez fréquent dans la pratique. En fait les échelles ne donnent aucune idée sur la façon dont évolue la mélodie dans un Tab' donné, elles ne soulignent pas l'importance de certains degrés par rapport à d'autres. Il faut donc un autre langage pour faire la différence entre ces Tubu' qui exploitent les mêmes degrés.
3- Le "chromatisme" apparent de ces échelles (présence de demi-tons successifs) peut s'expliquer en abandonnant la notion d'échelle pour celle de "cellules mélodiques", beaucoup plus proche de la réalité des Tubu'. (Ce sera le chevauchement de ces cellules qui induira ce chromatisme des échelles.)
 
4/ Genres de base
                               
Les genres de base dits Uqûd sont le plus souvent définis en tenant compte des signatures finales des Tubu'. C'est-à-dire sur la nature des tétracordes ou tricordes qui servent de support à la formule mélodique conclusive du Tab', toujours dans une pente descendante vers la note de base (finale).
Ces genres sont au nombre de quatre pour les tricordes. Ces tricordes donnent définissent à leur tour cinq tétracordes.

1. Le tricorde (1 - 1) qui donne le tétracorde (1 - 1 - 1) et le tétracorde (1 - 1 - 1/2)

2. Le tricorde (1 - 1/2) qui donne le tétracorde (1 - 1/2 - 1);

3. Le tricorde ( 1/2 -1) qui donne le tétracorde (1/2 - 1 - 1);

4. Le tricorde (1/2 - 3/2 ) qui donne le tétracorde (1/2 - 3/2 - 1/2);

On pourraient envisager d'autres tétracorces mais nous nous sommes limités à décrire les tétracordes qu'on retrouve dans le corpus.

Dans la pratique la note qui se trouve en desous de la note de base va jouer un rôle très important dans la signature du Tab'. Une note qui se fait souvent entendre dans la signature des Tubu', juste avant la note de base finale. Elle contribue souvent à lever la confusion entre deux Tubu' voisins. Aussi, et pour tenir compte de cet aspect, il nous faut définir des "cellules" intégrant ce degré pour différencier certains Tubu'. Ce serait alors des genres en pentacordes où la note de base serait un deuxième degré.

La correspondance de ces genres avec les Tub' fondamentaux est la suivante :

Le tétracorde (1/2 - 1 - 1) est associé au Tab' Sika.

Le tétracorde (1/2 - 3/2 - 1/2) est associé au Tab' Zidane.

Le tétracorde (1 - 1/2 - 1) est associé au Tab' Raml al Maya.

Le tétracorde (1 - 1 - 1) est associé au Tab' Moual.

Le tétracorde (1 - 1 - 1/2) est associé aux Tubu' Mezmoum , Djarka et Aaraq.

Le Jarka utilise le même tétracorde que le Mezmoum (1 - 1 - 1/2) mais il a recours à une note en dessous de la note de base située à 1 ton de celle-ci. Il serait associé (avec le Aaraq) au pentacorde noté [ 1 - ( 1 - 1 - 1/2 )] alors que le Mezmoum serait [ 1/2 - ( 1 - 1 - 1/2 )].

Le Aaraq reste cependant très nuancé et relativement difficile à identifier d'autant que son ambitus est réduit. Disons pour schématiser que si dans Mezmoum et dans Djarka on retrouve des mouvements qui dépassent le cadre du pentacorde et qui vont jusqu'à l'octave voire au delà, dans le Aaraq l'ambitus reste circonscrit au pentacorde de base...

Ces tétracordes sont définis pour des mouvements descendants. Ils ne sont qu'un petit indice pour reconnaître les Tubu' fondamentaux et certainement pas un moyen de les définir. Dans la pratique et pour espérer pouvoir décoder les Tubu' il faudrait encore tenir compte des mouvements ascendants à l'intérieur de ces tétracordes; de l'exploitation partielle des degrés de ces tétracordes dans une même cellule mélodique; de la hiérachie des degrés... Il ne faudrait pas accorder trop d'importance aux signatures des Tubu' qui ne seraient qu'une indexation pratique pour le classement des morceaux... Le caractère d'un Tab' devant en toute vraissemblance être exposé à travers l'ensemble des cellules mélodiques d'un morceau...

Nous donnons ci-dessous, encore une fois à titre indicatif, un résumé des genres de base utilisés dans la Çan'a et de leurs dérivés (toujours d'après l'aspect des pentes descendantes des signatures finales. Donc description schématique.):

Les Genres en Tétracordes

                               

Les Genres en Tricordes et leurs Dérivés

Obtenus en ajoutant au Tricorde la note en dessous de la Note de Base, un quatrième degré et éventuellement un cinquième degré. Avec cette approche on pourrait bien sûr définir d'autres Genres.

 
 
5/ Problèmes de Classification  
 Exposé des questions relatives à la classification des morceaux dans la Nouba...

En préparation

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  • ELEMENTS POUR UNE ANALYSE DES TUBUç.
Exposé des différentes méthodes d'approche dans l'analyse des Tubu' et présentation de quelques éléments nouveaux...

En préparation

 
  • LES TUBUç AU CAS PAR CAS.
Examen des Tubu' au cas par cas; recherche d'élements caractéristiques; éléments pour une étude de cohérence sur les Tubu'...

En préparation

 
  • PERSPECTIVES.
Peut-on retrouver les Tubu' dits "perdus" ? Peut-on en intégrer d'autres et envisager d'autres NOUBA? Comment l'étude des thèmes de la poésie (classification par thème) pourrait aider à la classification des Tubu'? Etc.

En préparation

 
 
 

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