Mise à jour : 10 Octobre 2013

 

Elie BENSAÏD

Maalem Ebeho

   

Grand maître oranais (gaucher à la Kwitra sur la photo ci-contre) qui a eu une grande influence sur les interprètes de son époque à l'exemple du maître Sadeq El B'djaoui qui le cite explicitement. A l'écoute de Bensaïd on comprend de quoi Sadeq El B'djaoui parlait.
 
Nous n'avons pas pu établir une bio précise du M'aalem Ebeho. On compte donc sur nos contacts pour enrichir cette page.
 

Piyyut : Bar Yohaï

 
Le Piyyut (poème) que le Paytan ou Hazan Elie Bensaïd (chanteur / chantre) a enregistré est en (judéo)-arabe comme cela se faisait tout le temps en Algérie. Ce texte "serait" une proche traduction du piyyut "Bar Yohay" écrit par le Rabbin Simon Lavi dédié à cette sainte personne et qui est, ici, chanté sur un air des juifs de l'Algérois et de l'Oranais.
 
Le piyout Bar Yohay est chanté en général le vendredi soir avant le Kidoush (bénédiction sur le vin/ symbole de la sagesse)  pour témoigner que  le Créateur de l'univers a créé, selon la tradition biblique, le monde en six jours.
 
Elie Bensaid a enregistré ce chant qui devait aussi être chanté lors des mariages, pour apporter la bénédiction sur les jeunes mariés. ll faut rappeler qu'à l'époque on se mariait à la synagogue et le repas de noces se passait, ou dans une salle, ou à la maison du ou de la mariée, mais pas avec 400 ou 600 personnes comme aujourd'hui. Le repas étant fait autour d'une très grande table les rabbins ou les chantres présents chantaient des chants de mariage. Chants qui ont été édités dans un livre de Oran-Tlemcen : « Louanges au Créateur » (1856)  
 

En en-tête on peut lire :
Ligne 1: Piyout Bar Yohay Sharh (Traduction) Arabe.
Ligne 2: Selon la tradition (Manhadj) des communautés saintes ( en abrégé K"K ) Alger.
Lignes 3 / 4 : Ce chant a été avant, imprime selon la tradition de Tunis et maintenant c’est une bonne action (commandement) que de l’imprimer selon la coutume d’Alger afin de satisfaire ceux qui l’ont demande.
 
- Repères en rouge (couplets 1 et 2) texte en hébreu (dont nous donnerons une illustration sonore plus bas...)
- Repères en jaune (couplets 1 , 2 et 3) texte qui semble en arabe [ou judéo-arabe ] (transcrit avec les caractères de l'hébreu). Ces couplets sont chantés par Elie Bensaïd... avec de légères variantes par rapport au texte du livre (notés en rouge sur notre transcription).
- Repères en bleu en hébreu. Il semble que la disposition du texte alterne couplets en hébreu et couplets en arabe qui leur correspondraient (sorte d'équivalence mais par une traduction)
 
Notes:
- Tous les couplets se terminent par la formule "Bar Yoh" (repérée dans un cadre rectangulaire). Le décodage du texte n'est pas très aisé et la qualité de l'enregistrement ne nous aide pas non plus.
- La transcription de l'arabe en caractères hébreux est une gymnastique qu'on apprivoise progressivement. Nous avons essayé de "deviner" au maximun avec l'idée que Elie Bensaïd chante en arabe dialectal; il y a (surement) des mots étrangers à l'arabe que nous n'avons pas "captés" (?)
Pour l'acrostiche: On remarquera que le couplet 2 (en hébreu) commence par la lettre "Shîn" (de Shémén = l'huile sainte de l'onction), que le couplet suivant commence par la lettre "Mém" que celui d'après par la lette "Aaïn" . On comprend alors que l'acrostiche sera "Sham'ûn" (Siméon en hébreu); c'est-à-dire le prénom de Bar Yohaï.
 

La transcription - Chant Elie Bensaïd -

 
Le chant parâit en arabe mais tous les mots ne le seraient - peut-être pas -. On pourra essayer de "décoder" en attendant d'être fixer sur ce texte.

Strophe I

 
Décodage : Faites à votre Dieu des louanges (shukra = remerciements; louanges) // Celui qui rassemble tous les vivants // C'est Lui qui nous libérera de l'oppression (domination, contrainte) (Elie chante : "Al Ghudrah" = "de la perfidie") // Par le mérite ("Bezkut") de Bar Yohaï.
Suit le texte (dans le cadre) qui ne figure pas sur le livre : (sens improbable en arabe, mais avec l'idée d'invoquer la bénédiction de Dieu - la baraka - ) // L'Unique et Eternel // Ô toi "Rishbi Siméon" // Sur toi le salut.
 

Strophe II

Décodage: L'huile d'onction sainte // Appliquée le jour de fête // Au temple (Maqdas = Temple de Jérusalem) // Nous ferons une fête renouvelée et un jour de joie // Une couronne de fleurs en forme de lentilles (sera posée) sur (la tête) du (Mélikh = Roi ) David // Elle sera semée (décorée) de pierres précieuses // Par le mérite (=Bezkut) de Bar Yohaï.
 

Strophe III

Décodage : Un bon et charmant endroit pour séjourner (s'asseoir) // Dans notre pays Sion // Là-bas se trouve la grotte - la tombe - ("M'ghârah" en arabe mais transcrit "M'rah" avec la lettre 3ayn) parmi les arbres (ici le mot "arbres" est prononcé à la façon de l'arabe populaire qui remplace le Shîn par un Sîn ; en caractères hébreux on utilise la lettre Ssamékh pour rendre ce son mais aussi pour éviter la confusion Shîn / Sîn ) // Dans le mausolée (lieu où est enterré) Rabbi Siméon // Qui peut prétendre être autant que lui cité et remercié et heureux // Dans tout le pays de Méron // Si tu pars pour le désert (sortir pour le commerce, ou pour voyager) // Appelle (invoque la protection) de "Bar Yohaï".
 
Note:
On constate sur la page de ce livret qu'il y a une petite "confusion" dans l'impression des lettres "D" (Dalet) et les "R" (Resch) qui ont des graphies similaires en hébreu. En regardant vraiment de très près on remarque que le trait hotizontal du "R" porte une légère pointe à son extrémité alors que le "D" en est dépourvu; le "D" dont le trait est légèrement plus épais. Pas évident de les distinguer du premier coup d'oeil !
Pour imprimer des textes en hébreu on devait aller en Italie (Livourne) ou en Autriche (Vienne). Et c'est peut-être à Tunis qu'il y eu la première imprimerie (lithographie) en Afrique du Nord.
 

Elie Bensaïd (Bar Yohaï) ; Flash >>:

Autrement : Bar-Yohai.mp3

 
Le chant du premier couplet utilisera les quatre motifs (A, B, C, D puis A, B, C*, D) où C* est une légère modification du pavé C. Pour les autres couplets Elie Bensaïd utilisera les mêmes motifs mais dans un ordre différents : ( A, B, C*, D* puis A, B, C, D*) pour le deuxième couplet et (A, B, C*, D deux fois) pour le troisième couplet. En véritable Maalem Elie Bensaïd se fait un point d'honneur à ne jamais refaire les couplets à l'identique. Ci-dessous l'allure du pavé D*.

 
Remarque:
La structure rythmique reste en huit temps (exactement en quatre fois deux temps). Cette structure est pratiquement absente du répertoire des Noubate, comme elle est absente de celui des Niqlab où les huit temps prennent d'autres formes (structures en Bashraf 2+2+4 ou en Qcid 3+3+2). Nous pouvons cependant la retrouver dans le répertoire apparenté (telle quelle se présente ou alors "tournée" en Barouali (Voir page "Rana Djinak" sur le site).
Par contre, dans le répertoire marocain, on retrouve une structure rythmique équivalente dans certains Derdj (intégrés au répertoire classique de la Alâ).
 

La transcription - Chant Ariel Carciente -

 
Notre ami Ariel qui a contribué à l'élaboration de cette page dédiée au piyyut (et à toutes celles consacrées à la tradition hébraïque) nous a fourni un exemple sonore où l'on retrouve pratiquement les mêmes pavés que ceux utilisés par Elie Bensaïd (notons que A* et D** sont une autre façon de faire les pavés A et D; les pavés B et C ne changent pas). Le chant est en hébreu et l'introduction sonore à la fin de l'enregistrement est signée par l'orchestre du chantre Salomon Tapiero originaire d'Oran .

Texte vocalisé (voir page Elie-Narbonie sur le site pour les clés de la lecture - pour les débutants en hébreu -)
 

Traduction du couplet

 
A suivre...
 
 

Ariel Carciente (Bar Yohaï) : Flash :

Autrement : Bar-Yohai-2.mp3

 

  Shimon Bar Yohaï

 
Shimon bar Yohaï ou Siméon bar Yohaï, acronyme « Rashbi » (dans l'enregistrement on croit entendre chez Bensaïd "Rishbi"), est un rabbin ayant vécu en Galilée (Israël) à l'époque romaine vers la fin du premier siècle l'ère chrétienne. Il serait mort et enterré à Méron en Israël ("Miroun" chez Bensaïd).
La tradition orale juive rapporte que, suite à des propos critiquant le gouverneur romain, il fut condamné à mort et dut s'exiler dans une grotte pendant 13 ans au cours desquelles il aurait rédigé le Zohar, ouvrage fondamental de la Kabbale et de la mystique juive.
Aujourd'hui, il est célébré comme un « saint » par la plupart des communautés juives. Chaque année, à la date anniversaire de sa mort (le 18 Iyâr du calendrier qui correspond à Lag Ba Omer, le 33 ème jour d'une longue période de deuil observée par les pratiquants), un pèlerinage est organisé à Méron sur l'emplacement de son présumé tombeau. C'est un moment particulier où la sainteté de ce grand homme rejaillit dans l'assemblée venue se recueillir sur son tombeau. On prie Dieu de nous exaucer par le mérite du Tsadik (= sainte personne) dans la ferveur et l'allégresse.
Cette fête de (Lag Ba Omer) a trouvé un terreau particulièrement fertile en Afrique du Nord, où le culte de Rabbi Shimon bar Yohaï s'est combiné avec celui des saints, typique de la culture maghrébine.
 
Notes :
1- Est appelé Tsaddik celui dont la majeure partie des actions sont des mérites et qui ne connaît pas le mal. (saint)
2- La Hiloula (dont le sens premier est « crier avec joie et crainte ») est une coutume juive consistant à se rendre sur les tombeaux de Tsaddikim (Justes) le jour anniversaire de leur mort, et de commémorer cette mort au moyen d'une cérémonie festive au cours de laquelle les pèlerins lisent des psaumes et autres textes sacrés ou considérés comme tels (comme le Zohar). La Hiloula s'apparente fortement aux pèlerinages sur les tombes de saints musulmans et chrétiens.
3- Shimon BAR Yohay en Araméen = Shimon BEN Yohay en Hébreu. (Bar = Ben = Fils de.) Ici donc Shimon (prénom du Saint) Bar ( fils de ) Yohay le prénom de son père.
 

Y.T

Octobre 2013

Remerciements à Ariel Carciente pour l'aide précieuse apportée à la réalisation de cette page (Explications, document sonore et extrait du livre). Sonores Ebeho Bensaïd : collection BN France (mise en ligne sur leur site). Photo de Bensaïd: collection Tarek Hammouche.
 

Commentaires

 
En préparant cette page un ami du Groupe Yafil (Mourad) nous a fait parvenir un enregistrement de la fille de Bensaïd (interview) où elle parle de son père. Voici quelques élements :
- En 1939. Elle intégre l'orchestre de son père à l'âge de 9 ans et demi. La vue de Bensaïd a commencé à baisser et il avait besion d'un guide.
- On apprend que Bensaïd aimait parler en arabe et il exigeait presque cela de sa fille.
- Il était systématiquement appelé à Oujda pour la fête du roi. Oujda où il a constitué un orchestre.
- La fille raconte une soirée à Casablanca chez Sadi le fils du Maalem B'tayna (famille ROUCH). Bensaïd qui s'était déplacé avec son orchestre n'a finalement joué qu'avec son drabki (une exigence de la famille de B'tayna). Une longue soirée qui a duré de 4 heures de l'après-midi à 6 heures du matin. A la fin, les B'tayna lui auraient dit :"Après notre père - ROUCH Makhlouf dit B'taïna (1858 - 1931) grande figure de la musique de Tlemcen - c'est toi le maître".
 

 

 
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Contact : groupe_yafil@hotmail.com

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