Mise à jour: 09 Mars 2011

 

Hassan Laribi

" Qacida_t Al Munfaridjah "

 

L'Interprète et le Compositeur

 
Hassan Laribi est un grand maître de l’art du Malouf libyen. Il est auteur et compositeur.
Né à Tripoli (Libye) en 1932 il débute sa carrière artistique au sein des confréries soufies (Aïssaoua) en tant que récitant.

Et c’est à Benghazi qu’il rejoint la radio libyenne en 1959 en tant que conseiller artistique pour le domaine musical. Epoque où il a commencé à composer pour d’autres chanteurs. Avec un groupe de musiciens il formera l'embryon d'une troupe musicale, l’orchestre du Malouf et du Muwwashah de la radio libyenne, qui verra le jour à Tripoli en 1964. Un orchestre qui a formé toute une génération de chanteurs qui ont percé sur la scène libyenne et sur la scène internationale.
 
La troupe du Malouf sous la direction de Hassan Laribi participera à de nombreux festivals. Elle était présente lors des premiers festivals de musique classique algérienne au courant des années 60. Un orchestre qui a su garder un cachet particulier (tenues traditionnelles, diversité dans les percussions comme celles connues et utilisées dans les confréries – derbouka, bendir, târ, Daff et les cuivres -, utilisation de la ghaïta..., chœur - jusqu'à 30 choristes - et orchestration très originaux).

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Hassan Laribi est celui qui a fait découvrir ( ou redécouvrir) au public algérois la Qacida Al Munfaridjah de ibn al Nahawi, Qacida dont il composé une musique. Elle a été présentée lors du festival international des musiques anciennes dans les années 2006.
Lors de ces derniers festivals, Hassan Laribi avait clairement donné son opinion sur les politiques culturelles des pays arabes et sur les télés satellitaires... Un engagement politique qui lui sera repproché...
 
On retrouvera Hasan Laribi à Alger pour des concerts ou pour des conférences dans les années 2001 lors des congrès de l'académie arabe de musique (dont il était membre) ou lors des festivals.
 
Hassan Laribi avait commencé un travail de recension des textes du Malouf (enregistrements) qui devait se poursuivre avec la publication des partitions (solfège).
 
Il décède le 18 avril 2009 à l’âge de 77 ans.
 

L'auteur Ibn Al Nahawi

 
Al Munfaridjah est le nom donné à une Qacida de l’imam Abu Al Fadhl Yûsûf Ben Mohamed Ben Yûsuf Al Tozirî  Al Tilimsânî (né à Tozeur en Tunisie en 433 de l’Hégire - 1041) plus connu sous le nom de Ibn Al Nahawî. Ses parents seraient originaires de Tlemcen.

Ibn Nahawi s’est établi près de l’actuelle Béjaïa capitale de la dynastie berbère des Hammadide ; une ville qui a accueilli de nombreux savants venus de tout le monde médiéval. Ibn Nahawi jouissait d’un grand prestige et sa renommée était équivalente à celle d’un imam Al Ghazali en Irak.

Il décède à Bejaïa en 513 de l’hégire - en 1119.

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La Qacida Al Munfaridjah a été commentée par Abu Al Abâss Ahmad Ben Abi Zayd Al Bijâi (de Béjaïa Algérie). D’autres commentaires sont venus par la suite.
 
Cette Qacida jouissait d’un certain prestige au Maghreb et dans le monde musulman: Plusieurs poètes (parmi les maîtres du soufisme maghrébin) vont s'en inspirer et produire des Qacidate sur le même modèle (mêmes rimes, même métrique, allant parfois à utiliser les mêmes derniers mots et dans l’ordre de leurs apparitions dans la Qacida de Ibn Nahawi)
 
On attribuait à la Qacida le « pouvoir » d’apaiser les malheurs comme celui d’exaucer les vœux de celui qui la réciterait. (Apparemment un moyen très efficace utilisé par les traditions orales pour se perpétuer…) On dit même qu’elle cacherait le Nom Suprême ; celui qui n’a pas été révélé. (La tradition attribue 99 noms à Dieu.)
Plusieurs versions sont rapportées sur les circonstances qui ont poussé le poète à produire cette Qacida. Mais il faut tout de même rappeler que la période allant de la fin du Xème à la fin du XIème siècle a été une période de grands troubles dans le Maghreb (L’Ifriqiya) où plusieurs dynasties vont constamment se disputer le pouvoir. La dynastie Hammadide qui a coexisté avec plusieurs autres dynasties règnera de 1014 à 1152 avec pour capitale Bejaïa.

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Du point de vue de la métrique cette Qacida est une sorte de témoin ou de modèle qui vient conforter la théorie de la métrique arabe énoncée par  Al Khalil. Le mètre qu’elle utilise, appelé « Khabab », est une forme dérivée du mètre théorique « Al Mutadarak ». Un mètre, le seizième, appartenant au cinquième cercle et qui a été introduit par Al  Akhfash. Sa forme théorique est basée sur le paradigme « Fâ3ilun » répété quatre fois par hémistiche.(voir Poésie)

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Le manuscrit (daté de l’année 1040 Hégire) signé de Ali Ben Yusuf Ben Ali Ben Ahmed Al Baçrawi qui nous a servi dans cette « timide » tentative pour expliquer et traduire ces vers se trouve sur internet à l’adresse suivante où on peut le télécharger gratuitement:

http://www.al-mostafa.info/data/arabic/depot3/gap.php?file=m001573.pdf

(Les arabisants pourront le consulter, le décoder –car de lecture assez fastidieuse pour les non habitués aux manuscrits- et se faire une idée. On remarquera que les explications du manuscrit sont essentiellement puisées dans le fameux dictionnaire d’arabe « Lissan Al 3arab » de ibn Mandhur (mort en 711 Hégire /  1311). Ce dictionnaire est aussi disponible sur internet.)
 

Le Texte / La Phonétique / La traduction littérale / Le Commentaire

 

1- ishtad’dî Azmatu Tanfaridjî * Qad Âdhana Layluki Bi_l Baladjî

Tu (peux toujours) devenir plus dure, toi la crise, tu disparaitras * (Sache) qu’on a (déjà) annoncé à ta nuit (et elle le sait) la lumière blanche du matin (l’aube)
[Dans ce vers on prie pour la fin de la crise ; c’est-à-dire pour la fin de tout ce qui peut nous angoisser comme les maladies, les malheurs… On prie pour que vienne l’aube annonciatrice de la sérénité. Et si on invoque la crise c’est parce qu’elle est la cause de cette sérénité. Car sans crise point de sérénité. Cette idée que la crise est la cause de la sérénité trouve son origine dans plusieurs versets du Coran. Parmi ces versets on en trouve un où il est dit qu’après les temps difficiles vient la période faste. Un autre verset du Coran dit aussi que c’est Dieu qui fait tomber la pluie (de sa clémence et de Ses bienfaits) sur ceux qui ont été gagné par l’angoisse. D’où la suite logique de cette idée dans les vers qui suivent.]
 

2- Wa Dhalâmu_l Layli Lahu Surudjun * Hat’ta Yaghshâhu Abu_s Surudjî

L’obscurité de la nuit a toujours des lanternes (c’est-à-dire les étoiles) * Jusqu’à ce que vienne la dissiper le père de toutes sources de lumière (c’est-à-dire le Soleil)
[Dans les moments de crise il y toujours des lueurs d’espoir. Mais le vrai salut vient de Dieu : Toute la Qacida est basée sur cette idée principale. (En en arabe le soleil est au féminin. L’utilisation du mot « père » traduit donc ici l’idée de source première de lumière.) ]
 

3- Wa Sahâbu_l Khayri Lahâ Matarun * Fa-idha Djâa_l ib’bânu Tadjî

Les nuages bienfaisants (s’accompagnent) de pluie * Et (ce n’est que) quand vient le moment opportun qu’elle se déverse
[La pluie des bienfaits de Dieu vient toujours au moment opportun. Car avant l’heure ce n’est pas l’heure. Il faut être patient et tout finit par s’arranger.  Les bienfaits peuvent venir de là où on ne les attend pas. Il y a ici une allusion à un autre verset du Coran qui dit qu’on peut désirer des choses qui ne seraient pas bonnes pour nous et au contraire qu’on repousserait d’autres qui nous seraient bénéfiques.]
 

4- Wa Fawâidu Mawlânâ Djumalun * Bi-Surûhi_l Anfusi Wa_l Muhadjî

Les ressources (avantages, bienfaits) de notre Seigneur sont immenses * Quand elles sont (l’objet) de la quête des âmes et des cœurs.
[Les bienfaits (dans la vie et la religion) de Notre Seigneur sont très nombreuses, insondables et incalculables d’après un verset du Coran. Et dans un autre verset il est dit que Dieu attribue Ses bienfaits à qui Il veut et sans limites. L’auteur nous dit de ne pas désespérer dans les moments de crise sachant que les bienfaits du Seigneur sont partout présents. Il y plusieurs allusions à la tradition prophétique dans ce vers. On citera le hadith qui dit que tout ce qui arrive au croyant est bon : Dans l’aisance il louera Son Seigneur et dans la gêne il saura se montrer patient.]
 

5- Wa Lahâ Aradjun Muhyin Abadâ * Fa-Qçud Mahyâ Dhâka_l Aradjî

Elles (ces ressources) ont un parfum toujours vivifiant * Alors rejoins vite cette source de vie d’où émane ce parfum
[L’idée est qu’il nous serait facile de reconnaitre ces ressources et qu’on aurait tort de ne pas vouloir en bénéficier alors que nous avons encore du temps devant nous.]
 

6- Fa-La-Rub’batamâ Fâdha_l Mahyâ * Bi-Buhûri_l Mawdji Mina_l Ludjadjî

Peut-être alors que cette source de vie débordera (sur toi) * Comme une mer qui se déverse en de grosses vagues qui viennent du large
[Avec l’idée des ressources inépuisables qui est venue au vers 4. La quête volontaire de cette source de lumière et de connaissance ne peut être que bénéfique pour celui qui s’engage dans la Voie de Dieu.]
 

7- Wa_l Khalqu Djamî3an Fi Yadihî * Fa-Dhaû Sa3atin Wa Dhaû Haradjî

Toutes les créatures (la Création) sont entre Ses Mains * Il y a des chanceuses (qui vivent dans l’aisance de la vie) et des moins chanceuses (qui vivent dans l’étroitesse et mènent une vie pénible)
 

8- Wa Nuzûluhumu Wa Tulû3uhumu * Fa-ila Darakin Wa 3ala Daradjî

Et leur descente (la ruine dans cette vie ou la descente aux enfers) ou leur ascension (dans la vie ici-bas ou au paradis) * Se fait par degré (dans la chute) et par degré (dans l’élévation)
[La marche d’escalier a deux noms en arabe suivant le sens de la progression. Si on monte l’escalier la marche est nommée  « Daradjah » et si on le descend la marche prend le nom de «  Darakah ». Le paradis est fait de marches ascendantes et l’enfer de marches descendantes. Cette idée de degrés reste générale : tout se ferait et se présenterait par degrés, notamment la foi. La suite de la Qacida se conformera à cette idée.]
 

9- Wa Ma3âishuhum Wa 3awâqibuhum * Laysat Fi_l Mash’yi 3alâ 3iwadjî

Quant à leur subsistance (dans cette vie) et à leur sort (dans l’au-delà) * Elles ne se font pas (et ne s’obtiennent pas) en marchant de travers
[On se dirige pas à pas vers ce qui nous a été réservé. Ce sera une issue heureuse si on suit graduellement le droit chemin, même si c’est Dieu qui décide de tout comme on le retrouvera au vers suivant.]
 

10- Hikamun Nusidjat Bi-Yadin Hakamat * Thum’ma_ntasadjat Bi_l Muntasidjî

Des arrêts (sentences) ont été tissés d’une Main (celle de Dieu) qui en a décidé ainsi (irrévocablement) * Puis (ces arrêts) viennent revêtir (comme une seconde peau) l’individu (à qui ils étaient destinés)
[Les décisions de Dieu qui ne peuvent être que justes - comme toutes Ses actions parce qu’Il a la volonté sur tout – viennent se mêler aux actes de l’individu dans un enchevêtrement de fils. L’habit qui en résulte couvre l’individu comme une seconde peau.  Destin et initiative semblent intimement liés. Ici il y a une allusion au Coran et à la tradition prophétique qui tous deux incitent à l’action et à l’initiative. L’individu ne doit pas rester sans rien faire et subir son destin.  Et c’est l’idée soutenue au vers suivant.]
 

11- Fa-idhâ_qtaçadat  Thum’ma_n3aradjat * Fa-Bi-Muqtaçidin Wa Bi-Mun3aridjî

Et si (supposons, car nul ne connait les secrets de Dieu), si l’individu juge (ces arrêts) dans la modération (l’économie et la mesure) ou s’il les juge dans la déviation (l’excès) * Alors on aura (affaire à ) un individu modéré ou on aura quelqu’un qui aura dévié du droit chemin
[Pour l’auteur l’individu est considéré comme le responsable de ses actes. C’est lui qui tisserait son destin suivant son intelligence. Mais un destin déjà connu de Dieu. On rejoint ici tout le débat, très ardu, sur le libre arbitre qui a prévalu dans le monde musulman. Responsable ou pas, la philosophie de la conduite serait d’entreprendre et de s’en remettre à Dieu car personne ne peut spéculer sur ce que Dieu réserve à ses créatures. Et c’est cette idée qui sera développée dans les deux vers qui suivent. On gardera à l’esprit les deux versets (5 et 6) de la Fatiha –le  premier chapitre d’ouverture du Coran- : - Verset 5 « C'est Toi [Seul] que nous adorons, et c'est Toi [Seul] dont nous implorons secours ; » et Verset 6 « Guide-nous dans le droit chemin ». ]
 

12- Shahidat Bi-3adjâibihâ Hudjadjun * Qâmat Bi_l Amri 3ala_l Hidjadjî

Ils (ces arrêts) témoignent par leurs côtés merveilleux ; (ils apportent) des preuves * Qui, deviennent vérités en glorifiant (la Puissance divine) pour l’éternité et à travers les âges. 
[Les preuves qui affirment la puissance de Dieu deviennent indépendantes de la raison et s’imposeraient comme des vérités. Allusion aux nombreux versets du Coran qui incitent les hommes à contempler les cieux et la terre et à méditer sur la perfection de la création.]
 

13- Wa Ridhan Bi-Qadhâi_l Lahi Hidjâ * Fa-3alâ Markûzatihi Fa-3udjî

En acceptant le sort (que te réserve) Allah (tu feras preuve) d’intelligence * Alors autour de Son centre (vers Allah) dirige-toi (et gravite).
[Accepter la Volonté d’Allah (dans la préservation de notre foi) c’est faire preuve d’une grande intelligence.  On placera Dieu au centre du cercle sur lequel gravitera  notre conduite. Cette idée de cercle mystique viendrait d’une tradition selon laquelle Moïse SLS avait demandé à Dieu ce qu’il devait faire pour obtenir Son agrément –celui de Dieu -. La réponse qui lui fut donnée était : « Mon agrément est dans l’agrément  que tu as pour tout ce que je t’ai destiné. » Le centre du cercle se dit « Markaz » ou « Markûzah ».]
 

14- Wa Idha_nfatahat Abwâbu Hudâ * Fa-3djal Li-Khazâ’inihâ Wa Lidjî

Et si jamais les portes du Salut s’ouvrent (devant toi) * Alors presse-toi (tant qu’il est encore temps et avant la mort) vers ces coffres (que tu aperçois derrière ces portes) et pénètre à l’intérieur
[Les portes symbolisent les obstacles qui se dressent sur la voie du salut et de l’élévation de soi.  Et graviter autour du centre divin permet d’accéder aux coffres de la connaissance (qui sont fermés dans un premier temps).]
 

15- Wa Idha Hawalta Nihâyatahâ * Fa_Hdhar Idh Dhâka Mina_l 3aradjî

Et si tu tentes (veux explorer plus loin) les limites (de ces coffres) * Prends garde alors à ne point dévier du bon chemin 
[Les limites c’est-à-dire les buts et la finalité des choses. Allusion à la tradition qui veut que le but de la science/de la connaissance c’est la crainte de Dieu. Prendre garde à ne point dévier du bon chemin serait une allusion à consulter et à fréquenter des gens savants –les guides -. Dans ce sens un proverbe algérien dit : Le maître qui n’a pas de maître serait comme une ruche vide (sans miel). ]
 

16- Li-Takûna Mina_s Sub’bâqi idha * Ma Dji’ta ilâ Tilka_L  Furadjî

Pour être parmi les premiers (arrivés) si jamais * Tu arrives à atteindre ces joies (de la connaissance et donc du paradis)
[ici il n’est pas question de progression dans le sens de la marche et de l’espace. On est plus dans le registre mystique. On rapporte que le grand maître Abu Madyan (mort à Tlemcen) aurait dit : J’ai vu certains hommes atteindre cette « distance » en 70 ans par étapes de 10 ans alors que d’autres l’ont atteinte une heure de temps seulement comme le prophète Abraham. Abu Madyan Chu’aib (Séville 1126 – Tlemcen 1198) est un grand savant,  mystique du 12ème siècle qui a enseigné à Béjaïa la Hammadide tout comme l’auteur de la Qacida Ibn Nahawi.]
 

17- Fa Hunâka_l 3ayshu Wa Bahdjatuhu * Fa-Li-Mubtahadjin Wa Li-Muntahidjî

Car c’est là-bas (au paradis) qu’on trouve la vie dans la plénitude de la joie * Vers ce lieu (le paradis où on arrive dans la joie) et pour celui qui a suivi le (droit) chemin (en se purifiant intérieurement –vis-à-vis de lui-même - et extérieurement –vis-à-vis des autres)
 

18- Fa-Hidji_l A3mâla Idha Rakadhat * Fa-idha Mâ Hijta idhan Tahudjî

Fais-donc bouger les travaux (les choses) si jamais ils stagnent * Et si tu fais ainsi tu auras persévéré (sur la bonne voie)
[incitation au travail continu, aux bonnes actions mêmes minimes, à la lutte contre l’oisiveté mère de tous les vices. Le travail préserve la foi ; cette idée sera précisée au vers suivant.]
 

19- Wa Ma3âçî_l Lâhi Samâdjatuhâ * Tazdânu Li-Dhi_l Khuluqi_s Samidjî

Car les actes répréhensibles (contraires aux recommandations d’Allah) avec leurs mauvais côtés  * Sont toujours magnifiés chez les gens de mauvaise éducation (les mauvais)
 

20- Wa Li-Tâ3atihî Wa çabâhatihâ * Anwâru çabâhin Munbalidjî

L’obéissance (à Allah) et sa beauté * (Est pareille) aux lueurs d’un matin radieux
[L’obéissance (à Allah) est une lumière qui vient à bout de l’ignorance qui affecte le Cœur et à bout des ténèbres dans lesquelles risque de sombrer l’âme le jour de l’épreuve de la tombe. Les vers suivants 21, 22, 23, 24 se rapportent à cette obéissance. Elle est une dot au vers 21, elle se manifeste par des bonnes actions au vers 22 et par la récitation du Coran au vers 23 et par la prière surérogatoire au vers 24.]
 

21- Man Yakhtub Hûra_l Khuldi Bi-Hâ * Yadhfar Bi_l Hûri Wa Bi-l Ghunudjî

Celui qui veut se fiancer aux houris du paradis éternel (en présentant pour dot cette soumission à Dieu) * Verra sa demande agréée et retrouvera ces houris et ces beautés aux cils recourbés et aux belles formes
[les houris sont les vierges du paradis qui ont des grands yeux noirs où le blanc de l’œil est éclatant – d’où leur nom -]
 

22- Fa-Kuni_l Mardhiy’ya La-Hâ Bi-Tuqâ * Tardhâhu Ghadan Wa Takûna Nadjî

Soit donc constant envers elle (ton obéissance) en le prouvant (par de bonnes actions  et avec conviction) * Tu approuveras et ne regretteras pas (ta conduite) demain (c’est-à-dire au jour du jugement dernier) et, (grâce à cette obéissance) tu seras sauf (de toutes mauvaises surprises)
[Suivant la tradition prophétique, l’obéissance et la peur de Dieu dans la conviction – la piété – est la plus grande des qualités pour un croyant.]
 

23- Wa_Tlû_l Qurâna Bi-Qalbin Dhi * Hazanin Wa Bi-çawtin Fîhi Shadjî

Et récite le Coran avec un cœur plein * De tristesse  et d’une voix attendrie (triste).
[ici il y a l’allusion aux bienfaits que procure la récitation du Coran. La tradition prophétique rapporte que les cœurs peuvent être atteints par la rouille tout comme peut l’être le fer. La récitation du Coran et en gardqnt à l’esprit l’éventualité de la (sa propre) mort protègeraient de cette rouille. La récitation est recommandée en tous temps et spécialement la nuit ; d’où le vers suivant.]
 

24- Wa çalâtu_l Layli Masâfatuhâ * Fa_Dh'hab Fihâ Bi_l Fahmi Wa Djî

La prière de nuit (surérogatoire - en plus des cinq prières obligatoires -) est son (celui de la soumission à Allah) long parcours (fait de récitation)  *  Engage-toi donc (: passe) dans la  pratique (de la prière de nuit et de la récitation de nuit) avec connaissance  et  repasse (pour mieux comprendre ce qui t’aurait échappé une première fois)
 

25- Wa Ta-am’malha Wa Ma3anîhâ * Ta’ti_l Firdausa Wa Tanfaridjî

Et médite (sur cette prière de nuit) et sur ses enseignements * Tu rejoindras (tu seras récompensé par) le « Firdaouss » et tu te réjouiras (et tes peines disparaitront)
[le « Firdaouss est un jardin situé juste sous le Trône d’Allah tout en haut et au milieu du paradis. Il est à l’origine de toutes les sources du paradis. Allusion  à la tradition prophétique qui recommande au croyant de prier Dieu pour qu’il lui accorde le Firdaouss. Allusion aussi à un verset où il est dit que le Firdaous est la demeure des élus et des saints.]
 

26- Washrab Tasnîma Mufadjirihâ * La Mumtazidjan Wa Bi-Mumtazidjî

Et bois  du « Tasnim » (meilleure source du paradis qui coule directement dans les coupes des élus) qui est à sa source (récompense des prières de nuit) * Un breuvage (pur)  non mélangé à un autre et qui sert à couper le breuvage d’une autre source du paradis.
[Allusion au verset qui dit que les élus de Dieu seront servis dans une coupe. Un breuvage coupé  (mélangé) au « Kafûr » (Nectar) -qui est une autre source du Paradis réputée pour sa bonne odeur, son goût et sa fraicheur. C’est dire l’importance que donne la tradition à la prière de nuit qui mènerait droit au Tasnim. (Le verbe boire est utilisé pour la capacité à apprendre, à comprendre.) ]
 

27- Mudiha_l 3aqlu_l Âtîhi Huda * Wa Hawan Mutawal’lin 3anhu Hudjî

On (doit) faire l’éloge de l’esprit éclairé qui a trouvé le salut (dans l’obéissance et dans la connaissance de Dieu qui procurent le bonheur dans ce monde et dans l’autre) * Quant à  l’inclination vers les plaisirs d’ici-bas (licites ou pas) qui s’opposerait à lui (à l’esprit éclairé pour la réalisation de cette élévation de l’âme) ; on (doit) la condamner, la dénoncer.
 

28- Wa Kitâbu_l Lâhi Riyâdhatuhu * Li-3uqûli_l Khalqi Bi-Mundaridjî

Et Le Livre d’Allah (Le Coran), son apprentissage (dans la transmission de son message et en suivant ses enseignements)  * Est présenté à l’intelligence des Hommes  d’une façon claire et progressive (qui est rendue accessible à tous)
 

29- Wa Khiyâru_l Khalqi Hudâtuhumu * Wa Siwâhumu Min Hamadji_l Hamadjî

Les meilleurs des Hommes sont ceux qui incitent au droit chemin (les guides, les savants et ceux qui sont engagés sur la voie du savoir)* Quant aux autres ils sont considérés comme moins que des mouches (La lie des hommes, les pires).
[Les Hommes sont de deux sortes d’une part les savants et les apprenants et d’autre part tous ceux qui ne sont pas sur la voie de Dieu. Ceux-là n’auraient que peu de valeur car ils n’auraient rien de bon à partager. Pour l’auteur de la Qacida ils seraient moins que des mouches.]
 

30- Wa idha Kunta_l Miqdâma Fa-La * Tadjza3 Fi_l Harbi Mina_r Rahadjî

Et si tu es (te montres) courageux face à l’ennemi * Ne perd pas ton sang froid (sois sans crainte, garde tes moyens) dans la bataille et dans la poussière qui accompagne les combats.
[L’auteur ne dit pas : « si tu peux être (en puissance) courageux » mais « si tu es » avec l’idée de réalisation. Ici l’ennemi serait le Diable, les mauvaises pensées et tous ceux qui soutiennent que si tout est prédestiné alors à quoi bon lutter dans la vie et à quoi bon entreprendre.]
 

31- Wa idha Abçarta Manâra Hudan * Fa-Dhhar Fardan Fawqa_th Thabadjî

Et si (dans ce combat) tu aperçois la bannière flamboyante  du Salut  * Alors montre-toi digne (et distingue-toi)  une fois sur la haute marche (de la foi).
[La bannière ou le phare qui sert à baliser les routes serait une allusion aux guides spirituels et aux cheikhs chez les soufis. Mais dans l’absolu ce serait tout signe qui met sur la voie du Salut.]
 

32- Wa idha_shtâqat Nafsun Wadjadat * Alaman Bi_sh’Sawqi_l Mu3talidjî

Si un être est en manque (de l’être Aimé) alors il se trouvera (plongé) *  Dans la souffrance de cette séparation (ce manque dans ce qu’il a de terrible) chez l’amoureux (qui souffre d’Amour).
[Ici on peut rattacher ce vers au précédent, car on change de registre et on passe à celui de l’Amour mystique. Il faut faire la différence entre le manque (occasionnel) qui s’apaise avec la rencontre – Al Shawqu- et le l’état de manque (permanent) qui ne s’apaise jamais – Al Ishtiyâqu -. ]
 

33- Wa Thanâya_l Hasnâ Dhâhikatun * Wa Tamâmu_dh Dhih’ki 3alâ_l Faladjî

Les (quatre – deux en haut et deux en bas) dents de devant de la beauté féminine sont riantes (participent à un beau sourire) * Mais la plénitude (la perfection) d’un sourire c’est quand les incisives du haut sont écartées
[(« Hasna » est un adjectif exclusivement au féminin comme imberbe l’est pour le masculin). Ce vers ferait allusion à la religion - qui a été comparée à une belle femme – dont les principes sont bien ordonnés comme le seraient les dents qui participent au beau sourire. Les dents séparées étant un signe d’une dentition parfaite. La tradition rapporte que le prophète (QSSL) avait des dents bien blanches et celles de devant séparées.]
 

34- Wa 3iyâbu_l Asrâri_idjtama3at * Bi-Amânatihâ Tahta_sh Sharadjî

Les outres – en peau – (aptes à contenir)  à secrets (de Dieu)  se sont rassemblées * Avec (à l’intérieur) leur contenu (ce qui leur a été confié) sous la protection des scellés
[Pour parler des élus à qui il a été confié des secrets ou des vérités inaccessibles à tout le monde et donc bien gardées dans des outres fermées par de puissants cordons ;car  l’intelligence a des limites et la foi des degrés : c’est le discours bien rodé de l’ésotérisme religieux – soufisme -. Allusion aussi au verset qui dit que les hommes n’accèdent qu’à une infime partie de la connaissance, de la science et des secrets. Le savant ignore plus de choses qu’il ne connait..]
 

35- Wa_r Rifqu Yadûmu Li-çâhibihi * Wa_l Kharqu Yaçîru ila_l Haradjî

La douceur (l’attention, la gentillesse,  la finesse dans la réflexion et dans l’action) resteront  des valeurs sûres pour celui qui en fait usage  * Et la violence (la négligence, la rudesse, la vulgarité, l’excès…) est destiné au chaos (au désordre) et à la perte.  
[Allusion à la tradition du prophète QSSL qui a dit qu’il ne faut aborder la religion dans la violence. Une autre parole du prophète QSSL dit que la gentillesse  – Al Rifqu - embellie toute chose et que la violence – Al kharqu -  enlaidie toute chose. ]
Ce vers est la conclusion de toute la Qacida. Il résume à lui tout seul toute la philosophie de l’auteur et de la religion - bien comprise -: "La violence ne mène qu’au chaos."
 
L’usage veut qu’on termine une Qacida par des formules de bénédictions en saluant le prophète QSSL et ses compagnons et par une prière. L’auteur peut éventuellement signer sa Qacida en insérant un vers ou deux en insérant son nom (explicitement ou de manière codée – numérologie arabe -) ; ce qui n’est pas le cas pour cette Qacida.
 

36- Çalawâtu_l Lâhi 3alâ_l Mahdîy …* yi_l Hâdî-n Nâsi ilâ_n Nahadjî

Les prières (Miséricorde et bénédictions d’Allah) pour l’élu de Dieu (Mohamed QSSL) * Celui qui guide les gens sur Le Chemin (le droit)
 

37- Wa Abî Bakrin Fi Siratihi * Wa Lisâni Maqâlatihi_l Lahidjî

Et (aussi pour) Abu Bakr  et son histoire, son parcours  (comment il embrassé l’Islam) * Et l’expression (la langue) de ses dires qui n’est vérité
[Abu Bakr, de son vrai nom Abdullah Ibn Abi Quhafah, compagnon du prophète et premier successeur –khalife – surnommé « Al çid’diq » (le véridique) car il a approuvé tous les faits, gestes et dires du Prophète QSSL en étant le premier (ou le second selon d’autres sources) homme à embrasser l’islam après Khadidja –première épouse du prophète QSSL et première musulmane ; véridique aussi car il n’a jamais menti. Surnommé aussi « Al 3atiq » (le libéré, l’épargné) à cause de sa beauté. D’après la tradition le prophète QSSL qui aurait dit de lui : « celui qui veut voir le visage de quelqu’un qui ne connaitra pas l’enfer qu’il regarde Abu Bakr. »]
 

38- Wa Abî Hafçin Wa Karâmatihi * Fi Qiç’çati Sariyati_l Kkaludjî

Et (aussi pour) Abi Hafç (le khalife Omar ibn al khatab) et sa générosité (reconnue) * Dans l’histoire du général « Sariya » le  fourbu (d’avoir trop marché et trop combattu)
[Omar a été surnommé Abu Hafç (le père du lionceau) par le prophète QSSL. Omar a eu une vision un vendredi pendant un prêche. Pour sauver le général Sariya et ses hommes postés en Perse, il s’est mis à crier « Sariya, vers la montagne, vers la montagne ! », un mois après l’armée de Sariya, victorieuse, a rapporté que les hommes avaient entendu une voix, celle d’Omar –resté en Arabie-, qui les sommait de rejoindre la montagne pour échapper aux ennemis. La fille de Omar, Hafça, fut la quatrième épouse du prophète QSSL.]  
 

39- Wa Abî 3amrin Dhî_n Nûrayni_l * Mustayî_l Mustahya_l Bahidjî

Et (aussi pour) Abu Amr (le khalife Uthman ibn 3afân) aux deux lumières (car il a épousé deux filles du prophète QSSL ; Roqiya puis Um Kalthoum) * Celui qui a redonné vie (à l’islam), celui qui inspire le respect (la pudeur), celui qui était un bel homme
[Uthman est promis au paradis d’après la tradition prophétique. Le prophète QSSL a dit de lui qu’il est celui qui a redonné vie au peuple musulman. Toujours d’après la tradition prophétique on rapporte que le prophète QSSL était assis et sa cuisse était découverte. Viennent le rejoindre Abu Bakr puis Omar sans qu’il ne se couvre. A l’entrée d’Uthman il s’est empressé de se couvrir la cuisse et de dire : « Comment ne pas respecter celui qui a inspiré le respect aux anges ». L’auteur de la Qacida réserve ainsi quatre qualificatifs à Uthman. Rappelons que c’est sous le règne du Khalife Uthman que le Coran rassemblé sous le règne de Abu Bakr et Omar a été recopié, authentifié et diffusé à travers le monde musulman.]
 

40- Wa Abî Hasanin Fi_l 3ilmi idha * Wâfâ Bi-Saha-ibihi_l Khuludjî

Et (aussi pour) Abi Hasan (le khalife Ali) avec (sa) science qui *  Apporte en bienfaits (en rassemblant) autant de nuages (disséminés et chargés de pluie)
[Réputé pour sa science, Ali, le cousin du prophète (QSSL) est considéré comme le père de la rhétorique arabe. « Si la science était une ville Ali en serait la porte » dit la tradition. On lui prête à ce sujet plusieurs citations. Ce vers souligne l’immense science et la sagesse qu’on lui reconnaît.]
 

41- Wa 3alâ_s Sibtayni Wa Um’mihimâ * Wa Djamî 3i_l Âli Bi-Him Fa-lidjî

Et pour les deux petits-fils - du côté de la mère - (Al Hassan et Al Hussein fils de Ali) et leur mère (Fatima la fille du prophète QSSL et épouse de Ali) * Et toute la famille (du prophète) vers eux cherche protection
[Le prophète QSSL chérissait beaucoup ses deux petits-fils, ils étaient, comme le rapporte la tradition,  « ses fleurs dans ce monde ». Espoirs de la religion naissante, ces deux hommes vont connaître des destins tragiques. Al Hassan a été empoisonné et Al Hussein, son cadet d’un an, a été tué à Karbalah un 10 du premier mois lunaire -le jour de l’Achoura. Cet évènement tragique est toujours célébré par les Chiites... Les Fatimide Chiites ont régné sur le Maghreb de 909 à 1048 avant d’être repoussé en Egypte de 969 à 1171.  Leur influence restera très grande au Maghreb  pendant le XIème siècle. Des vestiges de cette influence Chiite sont toujours présents dans la culture locale du Maghreb.]
 

42- Wa 3alâ_l Açhâbi Bi-Djumlatihim * Badhalu_l Amwâla Ma3a_l Muhadjî

Et pour les compagnons (du prophète QSSL) dans leur ensemble * Qui ont dépensé des fortunes (au nom de Dieu) et qui sont tombés en martyrs
 

43- Wa 3alâ Atbâ3ihimu_l 3ulâmâ * Bi-3awârifi Dînihimu_l Bahidjî

Et pour tous les continuateurs, les savants * Qui ont connaissance des secrets de leur belle religion
 

44- Wakhtam 3amalî Bi-khawâtimihim * Li-Akûna Ghadan Fi_l Hashri Nadjî

Et je termine ce travail en les citant tous  * Pour que demain je sois sauf le jour de la Résurrection
[Cette demande de bénédiction - le meilleur du poème est gardé pour la fin - s’inscrit aussi dans l’idée que les élus, les saints et les prophètes peuvent intercéder en notre faveur le jour du jugement dernier. L’invocation de ces saints personnages pourraient aussi donner lieu à des miracles dans cette vie – c’est du moins la croyance populaire qui serait plus ou moins étayée par des versets coraniques suivant certains courants qui prévalent dans l’interprétation de ces versets coraniques.]
 

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Des vers ont été ajoutés à la fin de cette Qacida qui semble-t-il devait se chanter en groupe dans les confréries du Maghreb dont "un refrain" qu’on reprend après avoir chanté trois ou quatre vers. Voici un exemple de refrain, celui qui est utilisé par Hassan Laribi dans son interprétation de la Qacida.
 

Ya Rab’bi Bi-him Wa Bi-Âlihim * 3adjil bi_n Naçri Wa Bi_l Faradjî

Ô mon Dieu, en leur nom (tous les noms cités plus haut) et en celui de leur famille * Amène vite la victoire et la dissipation des soucis !
 

L'enregistrement sonore / Chant Hassan Laribi

 
Pour écouter la composition de Hassan Laribi (Allah Yarhamo) Ouvrir le fichier mp3 => AlMunfaridhah
 
- On notera dans cet enregistrement la place du refrain et le jeu des reprises.
- A certains endroits on notera des petites différences avec le texte que nous avons présenté.
 
Le mètre utilisé (Al Khabab) est très difficile à mettre en musique à cause de son rythme propre (rapide). Le choix du rythme musical par Hassan Laribi semble très judicieux.
 
En tous cas la pièce reste un excellent exercice de diction ! ...
 

Une petite pensée pour le Cheikh Laribi !

 

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Alger le 09 Mars 2011

Youssef.T

 
 
Sources Internet : Photo, Enregistrement (cassette N°13 du patrimoine libyen distribuée lors d'un concert de la troupe Malouf à Alger), manuscrits Munfaridjah, Lissan Al Arab
 
 
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