LES MAITRES DE LA ÇAN'A D'ALGER.

Les Repères.

La pyramide de la transmission Orale.

Quelques figures de la Çan'a:

AbdelKrim Mehamsadji.

Mohammed Bahar.

AbderRahmane Belhocine.

  

 

 

  • Les Repères.

En préparation.

 

 

  • La Pyramide de la Transmission Orale.

L'apprentissage du répertoire par la méthode orale demande au disciple un minimum d'une dizaine d'années de formation continue et un contact permanent avec un ou des maîtres de la tradition. En deçà de cette période, l'élève n'accédera pas aux subtilités du répertoire et ne sera pas apte à enseigner efficacement aux autres.

 

Malgré cela, avec la "démocratisation" de la formation musicale (associations de musique, émissions de radio et surtout enregistrements) qui a débuté au début des années 1930, nous assistons à la naissance de plusieurs petites formations dirigées, le plus souvent, par des musiciens qui auront appris sur le tas grâce à ces nouveaux moyens de diffusion (bandes magnétiques, vinyles, cassettes, CD.)

 

Cette diffusion de la musique à grande échelle ne doit pas être interprétée comme un retour en force de la tradition orale, loin s'en faut. C'est n'est qu'un phénomène "amplificateur" qui risque qu'accentuer certains problèmes liés à cette musique: reproductions des erreurs - textes et musiques -, aspects techniques toujours pas maîtrisés, esthétique musicale mal définie, diversité des versions - souvent contradictoires -, etc.

Car au delà de la valeur esthétique des nouveaux enregistrements (très bonne qualité musicale , maîtrise des musiciens, …), au delà de la valeur documentaire, il y a toutes les chances de fausser la dimension référentielle propre à tout enregistrement en imposant, comme l'avait fait l'orchestre de la station dans les années 1950, une version ou des versions qui nous éloigneront encore une fois de la musique des Sfindja, Mouzino, Yamna, Bouchara, Bachtarzi…

 

L'histoire récente de la Çan'a nous apprend, en l'absence de toute concertation et à défaut d'une théorie qui fixerait les règles de cette musique que l'enregistrement à outrance (qui prend de plus en plus l'allure d'une opération commerciale qui a tout l'air de vendre de "l'authenticité") est une bombe à retardement pour la sauvegarde de cette musique... surtout quand la critique ne joue pas son rôle.

Pour reprendre les propos d'un grand musicologue (Christian Poché) nous dirons que "l'officialisation par le biais d'une mainmise" de quelque nature qu'elle soit "ne semble pas convenir à cet art."

 

Dans la longue chaîne de la transmission des traditions orales, il est connu et reconnu que les retouches du Maître encouragent celles des disciples. La réaction en chaîne qui en découle confère à ces traditions une vitalité incroyable. L'authenticité ne serait-elle pas cette dynamique de transformation, cette quête d'originalité ?

 

On comprendra alors le caractère très schématique de la pyramide de la transmission que nous tenterons établir. La "transmission" à laquelle nous faisons allusion ici est une sorte de dialectique acquise auprès des Maîtres de la tradition, elle va bien au delà de l'apprentissage des morceaux du répertoire (car l'élève pourra toujours se procurer les morceaux à droite à gauche.)

 

A ce propos on raconte qu'un jour un élève a demandé au Maître Dahmane Ben Achour de Blida s'il connaissait un certain morceau du répertoire. Le Maître répondit par la négative puis il ajouta : "Mon fils, je ne suis pas un magnétophone! Je ne retiens et ne chante que ce que je ressens..."

 

Dans cette pyramide (encore une fois très schématique) nous ne retiendrons que les maîtres qui ont "officiellement" pris des élèves, soit dans un orchestre, soit dans des associations… et qui les auront gardés au moins cinq années.

Rares seront les professeurs du conservatoire qui ont pu réaliser ce challenge, étant donné la mobilité qui caractérise ces structures. Il ne faudra donc pas s'étonner de ne pas les voir figurer dans cette chaîne de la transmission.

 

Premier Niveau:

Mohammed Ben Ali Sfindja (continuateur de AbderRahmane Menemeche, de Ben Farachou et des derniers maîtres du 19ème siècle) qui forma les membres de son orchestre: les juifs Saül Durand alias Mouzino Edmond Nathan Yafil, Laho Serror et les musulmans Cheikh Saïdi, Mohammed Ben Teffahi, …

Cheikh Brihmat qui forma la M'alma Yamna.

Et à un degré moindre (car n'ayant pas formé directement des élèves) la M'alma Yamna elle-même.

 

La transmission se faisait par le M'alem al Çan'a (chef de formation) qui prenait en charge les éléments de son orchestre. Mais il faut rappeler que la musique Çan'a faisait aussi partie de la vie des synagogues, des mosquées et des mausolées et il nous est bien difficile de pondérer le rôle de ces hommes de religion (rabbins, imams, lecteurs de Coran,…) dans la transmission de cette tradition.

 

Deuxième Niveau:

Avec le début du siècle le mouvement associatif (inauguré par YAFIL et son association musicale El Moutribia ) allait devenir le principal vecteur de la transmission orale.

Mahieddine Lakehal, Mohammed Fakhardji, Makhlouf Bouchara, Ahmed Sebti, AbdelKrim Mehamsadji, seront les principaux professeurs de cette période allant de 1927 à 1946.

 

Troisième Niveau de 1946 à 1963:

La période de la deuxième guerre mondiale perturbera énormément l'activité des associations de musique. Elles allaient pratiquement toutes disparaître, faute de professeurs ou faute de locaux. A cette époque de nombreux petits orchestres se produisaient sur la place d'Alger (parfois pour une seule soirée!).

L'orchestre de la Station qui a vu le jour en 1946 allait consacrer les deux frères Mohammed et AbderRezaq Fakhardji.

 

Quatrième Niveau:

A l'indépendance de l'Algérie, de nombreuses associations vont être créées. Elles formeront de nombreux musiciens. Mais seule une minorité d'entre eux bénéficiera d'un enseignement prolongé avec un même maître. Parmi les maîtres qui ont réalisé le challenge d'être à la tête d'une même classe (pour former des jeunes musiciens pendant plus de cinq ans) nous citerons les deux professeurs de l'association El Djazaïria-El Mossilia : El Hadj Djaïdir Hamidou et Sid Ahmed Serri.

 

* * *

Les nombreux élèves des maîtres d'Alger (détenteurs du patrimoine et ayant toute la maîtrise de cette musique) ont activé ou activent dans les associations ou dans les conservatoires. Il nous est impossible de tous les citer.

Nous pouvons cependant mentionner Zoubir Kakachi, Kasdali, AbdelGhani Belkaid, Missoum, Mokdad, Oueznadji, Bensarsa, Kherfallah, Mehamsadji,… (Association El Djazaïria El Mossilia), les frères Mustapha et Mohammed Boutriche, Bentchoubane,… (Association El Fen wal Adhab, la pourvoyeuse de musiciens), Selmi,… (Association Founoun Ziriab), Harbit, les frères BelKhodja, Messekdji,… (Association El Fakhardjia), Saoudi, Hinni, Kateb, Moussa, Madini,… (Association Es Sendoussia), Belhocine, Khaznadji, Benchaouch, Dali, Ben Achour, Fergane,… pour les conservatoires.

 

 

On trouvera des pages consacrées à tous ces Maîtres et interprètes dans la section "Les Monuments de la Çan'a" ou dans la section "Maîtres et interprètes" de notre album Çan'a.

 

Autour du Maître Mohammed Ben Ali Sfindja vers 1900.

 Debout de Gauche à Droite: Oulid El Mufti; Sayah de Koléa; Omar Bensmaïa et Mahmoud Bensmaïa; deux membre de la famille Hamoud Boualem (connue par le surnom de Dar El Gazouz, - la fameuse marque de limonade algéroise -); Omar Boudarba.

Assis de Gauche à Droite: Yahia Loucif; Ahmed Lakehal (fondateur de la mosquée de Belcourt. Les Lakehal de Belcourt n'ont pas de liens directs avec la famille des Lakehal de la Casbah ); Le Maître Mohammed Ben Ali Sfindja; Le Maître Mohammed Ben Teffahi; Bouchachia; Omar El Mouhoub.

 

 

 Haut de la page =>

 

  •  AbdelKrim MEHAMSADJI (1904-1999)

 

 

AbdelKrim Mehamsadji est né le 17 avril 1904. Il commence par se passionner pour le cyclisme et sera lui-même un coureur cycliste connu sur la place d'Alger.

Il ne se dirigera vers la musique qu'à la suite du décès de son père en adhérant, dès le début des années 1930, à l'association musicale El Djazaïria. Il y fait son initiation avec les Maîtres Mohammed Fakhardji et Ahmed Sebti, puis passe à la classe supérieure avec le Maître Mohammed Ben Teffahi.

 

 Il sera dès le début des années 1940, le mandoliniste attitré des frères Fakhardji. Membre de la formation privée de Mohammed Fakhardji; membre de la formation privée de AbderRezaq Fakhardji; membre de l'orchestre de la station Radio Alger dès sa création en 1946; membre de la formation privée de Sid Ahmed Serri… Il accompagnera de nombreux musiciens sur scène durant sa longue carrière artistique.

 Nommé une première fois, au milieu des années 1950, pour assurer un cours au conservatoire d'Alger, il préférera déléguer le Cheikh AbderRahmane Belhocine à sa place. Il finira quand même par rejoindre ce conservatoire à la fin des années 1950. Il y restera, fidèle, jusqu'aux années 1970

 

Plusieurs associations lui ont, de son vivant, consacré des hommages. Le dernier était celui de mai 1997. Il a permis, dans une ambiance de retrouvailles, le temps d'une ouverture instrumentale, aux musiciens du Grand Orchestre de la Station de 1946 de remonter sur scène.

 

AbdelKrim Mehassadji était apprécié pour sa modestie et sa disponibilité mais aussi pour sa grande patience. Sa "spécialité" a été d'assurer la formation des débutants (classes d'initiation) aussi bien au conservatoire d'Alger qu'à l'association El Djazaïria-El Mossilia.

 

Avec les centaines d'élèves qui sont passés chez lui au niveau de ces deux structures, il aura été au cœur des relances artistiques dans la capitale Alger (1930, 1946 et 1963).

 

 AbdelKrim Mehamsadji décède en l'an 1999. Il était le doyen des musiciens d'Alger; le dernier à avoir bien connu et joué avec le Maître Mohammed Ben Teffahi.

 

Haut de la page =>

 

  • Mohammed BAHAR (1920-2000).

 Né en 1920 à la casbah d'Alger, Mohammed Bahar a, dès son jeune âge côtoyé les grands musiciens d'Alger qui venaient faire la pause dans la boutique de son père; le Cheikh Al Haçar. Ce père, amateur de musique, qui a eu l'occasion d'apprendre une bonne partie du répertoire.

Fan des deux plus grands virtuoses de la mandoline et de la Kwitra, Cheikh Saïdi et Omar Zemmouri alias "Hibbi", il rejoindra la modeste formation de Mustapha Kechkoul et Ahmed Sebit alias Cheikh "Chitane". Il y fera sa formation à la mandoline puis à la Kwitra qui restera son instrument de prédilection.

Avec la création des orchestres de la station radio Alger en 1946, il jouera avec la formation Çan'a sous la direction de Mohammed Fakhardji et avec la formation Chaabî sous la direction de El Hadj Mohammed El Anka. Il y restera jusqu'à la dissolution de ces ensembles en 1963.

Ici à la Mandoline dans les années 1950.

 

Il rejoindra par la suite le nouvel orchestre de la Radio Télévision de l'Algérie indépendante sous la direction de Mustapha Skandrani.

 Dans les années 1950, il était un des membres de la formation privée du Maître AbderRezaq Fakhardji.

 

 Mohammed Bahar aura été très sollicité tout au long de sa carrière et particulièrement dans les dernières années. Pratiquement le seul joueur de Kwitra disponible sur la place d'Alger (les autres s'étant quelque peu retirés), sa contribution devenait presque indispensable pour ceux qui entreprenaient des enregistrements en studio.

Il aura pratiquement accompagné tous les interprètes de Musique Algérienne dans les genres Çan'a et Chaabî.

 

 Professeur au conservatoire d'Alger depuis 1973, il n'a pas véritablement eu le temps de former des instrumentistes accomplis (la Kwitra reste un instrument traditionnel relativement difficile à maîtriser).

 

 Dans les années 1980 et 1990, il aura l'occasion de parcourir le monde avec les orchestres de Mohammed Khaznadji et Zerrouk Mokdad. On lui connaît certains enregistrements dont une série d'improvisations (istikhbar) pour illustrer la technique de l'instrument (Kwitra).

Il décède le 11 novembre 2000 à Alger.

 

Haut de la page =>

 

  • AbderRahmane BELHOCINE (1909-1983).

Abdellah Belhocine dit "AbderRahmane" est né en 1909 à Alger. Très tôt il apprend à écouter les Maîtres de la Çan'a d'Alger: Cheikh Saïdi et le M'alem Mouzino (les continuateurs de Sfindja), le ténor Mahieddine Bachtarzi qui a conquis tous les publics d'Alger dès la fin des années 1910, la M'alma YAMNA, la Grande Dame de la Çan'a, etc.

Au début des années 1930, il fait son initiation à l'association El Djazaïria dans les classes de Ahmed Sebti, Mahieddine Lakehal et AbderRezaq Fakhardji.

Se révélant très bon musicien, il a préféré se lancer assez tôt (peut-être prématurément) dans le circuit professionnel. La première fois avec l'orchestre personnel de son professeur Ahmed Sebti alias Chitane (Mohammed Bencharif complétait ce trio inséparable. On disait d'eux qu'ils étaient comme les deux lanternes - Fanoussates - qu'on plaçait de part et d'autre de la pendule - Sa'â - dans les riches demeures algéroises…).

Il séjournera en France métropolitaine quelques temps et une fois de retour il formera son propre orchestre avec entre autres musiciens El Hadj Djaïdir Hamidou à la percussion.

 

 Par la suite, il rejoindra le grand orchestre de la station radio Alger sous la direction de Mohammed Fakhardji dès sa création en 1946.

 

Sa profession de coiffeur l'aura aidé à compléter quelque peu son répertoire, par ricochets, auprès de quelques élèves parmi les plus doués de l'Association musicale El Djazaïria et du conservatoire: des jeunes amis qui poursuivaient toujours leur formation...

 

Au milieu des années 1950, AbdelKrim Mehamsadji le délègue au conservatoire d'Alger où il restera jusqu'aux années 1970.

Des nombreux élèves qui sont passés chez lui, certains prendront le relais dans le circuit de l'enseignement de cette musique. Ils ne manqueront jamais l'occasion de lui rendre hommage, de témoigner de l'admiration qu'ils avaient pour lui.

 

Mais celui qui a le plus fait pour la légende de ce maître est sans conteste Si Mohammed Khaznadji: Dans les années 1980, avec la disparition des principaux maîtres et interprètes Dahmane Ben Achour (en 1976), Dali (en 1978), AbderRezaq Fakhardji (en 1984), … Mohammed Khaznadji va se retrouver pratiquement seul sur le circuit. Ayant le vent en poupe avec l'inauguration de sa nouvelle série d'enregistrements qui le fera connaître à l'échelle mondiale (grâce aux tous nouveaux studios de Abed Zerrouki qui sera à l'origine de la relance des enregistrements de musique Çan'a avec Zerrouk Mokdad, Noureddine Saoudi, Sid Ahmed Serri... et dernièrement Beihdja Rahal), Khaznadji va profiter de toutes les occasions qui lui seront offertes pour rendre hommage à celui qui est prétendu être son Maître.

 

AbderRahmane Belhocine décède le 26 décembre 1983 à Alger.

 

Haut de la page =>

 A suivre…

 

 

  Retour au Sommaire.

Retour à l'Album.

 

Contact : yafil@multimania.com

© Le Groupe YAFIL Association 2000 / 2001.