Revu le 29 Novembre 2010

 

TOUCHIA

de la Nouba Raml_Al_Maya

( Tlemcen )

 

La Touchia

 
Transcription de la Touchia de la Nouba Raml_Al_Maya (pièce instrumentale qui sert d'ouverture à la Nouba du même nom.).
 
Cette transcription pourra présenter quelques légères différences avec ce qui se fait aujourd'hui dans les associations de musique à Tlemcen. Des différences qui seraient liées à l'ornementation propre à la pratique instrumentale. Peut être aussi des variantes dont nous n'avons pas eu connaissance. Mais dans l'ensemble cela n'aura pas d'incidence sur la structure de la Touchia (nombre de mesures).
 
La Touchia peut être subdivisée (segmentée) en six parties (notées I, II, III, IV, V et VI). Elle se termine par une Coda qui vient après la reprise de la partie N° 02 (avec une accélération du tempo) .
 
A Alger, après le N°06 on rejoue le N°04 puis (et là ça reste assez compliqué) une partie du N°05 puis une transition vers le N°02 (avec reprise) qui conduit à la Coda.
 
Cette architecture (en six parties) se retrouvera aussi dans la Touchia pratiquée à Alger. Et, fait curieux, toutes ces parties se ressembleront mélodiquement : Parallèles, sans être strictement identiques, elles utiliseront des signatures comparables.
 
Mais on peut déjà dire (à l'écoute) que Touchia Raml_al_Maya de Tlemcen et Touchia d'Alger appartiendraient à un même "arbre musical" (si on peut s'exprimer ainsi; c'est-à-dire une même source). Pour autant, il ne faut pas espérer établir une quelconque hiérarchie entre les deux Touchia comme par exemple vouloir déterminer qui des deux Touchia aurait influencé l'autre...
 

Cette transcription est basée sur un enregistrement (1er Festival de musique classique algérienne 1969) - voir en fin de page -

 
Pour avoir une idée de la transcription et des possibilités d'ornementations au Luth écouter l'enregistrement signé Redouane Bensari. => Touchia_RamlAlMaya_Redouane
 
Notons que Redouane propose une autre façon de conclure dans la Partie N°05 (Option 2 sur la transcription)
 

Les Structures Mélodiques

 
Bien qu'elles soient accompagnées par une percussion à quatre temps (à deux temps dans l'ancienne pratique algéroise pour la Touchia d'Alger), les deux Touchia (Alger et Tlemcen) laissent deviner des structures mélodiques plus étendues (sortes de paradigmes musicaux dans une segmentation plus ou moins rigoureuse de la mélodie basée sur la périodicité de certains motifs : pauses, notes soutenues, mesures ou formules récurrentes, etc.)
 
On pourra alors constater et se rendre à l'évidence que ces deux Touchia (Alger et Tlemcen) vont présenter, toutes les deux (et pratiquement affectant les mêmes segments - autre fait curieux !- ) des "incohérences" de structure mélodique. Des structures qui apparaitront ni franchement sur 16 temps (ou 8 temps), ni franchement sur 12 temps.
Or certaines de ces incohérences pourraient être levées (restauration éventuelle) si l'on s'appuie sur toutes les versions (variantes) existantes, dans l'espoir de "cerner" une (ou des) structures cohérentes. Encore une fois il n'est pas question de parler de Touchia Raml_Al_ Maya "originnelle" mais juste d'esquisser une Touchia qui présenterait des structures mélodiques plus homogènes et plus cohérentes.
 
Dans notre notation nous avons souligné (par endroits) les parties en 16 temps (4 mesures à 4/4) dans la Touchia de Tlemcen:
- La N° 01;
- La N°02;
- Eventuellement la première partie du N°03; (la reprise du N°03 introduit un flou dans la définition de la structure.)
- La N°04
- Et, à la limite, la N°06 qui utilisera plutôt une structure en 3 fois 8 temps.
 
La Partie N°05 quant à elle restera "floue" à cause de l'introduction des motifs en 12 temps qui viennent s'y greffer sans possibilités de compensation structurelle vers le 16 temps. (Ceci dans l'Option 1 - voir transcription -)
 
Remarque 1: L'option 1 suggère une structure en 16 temps avec une insertion d'un double motif à 12 temps. Or ce motif se retrouve dans la version algéroise de la Touchia sans la première mesure dans le groupe des trois mesures; c'est-à-dire qu'à Alger ce motif est réduit à 8 temps ( soit 16 temps quand il est repris).
Remarque 2: Dans une autre option signée Redouane au niveau de cette partie (Option 2), et avec l'utilisation d'une autre signature, il y aura une possibilité de compensation vers le 16 temps. Mais la façon d'y arriver n'est pas très cohérente...
Si on retenait la version Redouane ce serait toute la Touchia de Tlemcen (excepté le N°03) qui évoluerait sur une structure en 16 temps; même si la compensation structurelle du N°05 ne semble pas très "conventionnelle" car source de confusion par la mauvaise utilisation des signatures.
Remarque 3: La Touchia de Tlemcen ne semble pas avoir de problèmes d'équilibrage (les parties reprises restent de même longueur) sauf au N° 03 avec 08 puis 10 mesures de 4/4).
 
En revanche, la version d'Alger de la Touchia présentera de nombreux problèmes d'équilibrage au niveau des Parties N°02 , N°04 et N°05 (Une partie N°05 qui ne semble pas présenter une unité de structure à Alger.)
 

Ci-dessous, à titre indicatif, le tableau comparatif des structures des Touchia de Tlemcen et d'Alger.

Remarque 4 : La version algéroise de la Touchia apparaît avec une première partie (N°01) en 15 mesures et signe une structure en 12 temps.
Or il existe une variante utilisée par certains musiciens (un peu la façon de la transcription de Rouanet pour cette Touchia) où cette première partie est en 16 mesures (4 + 3 + 3 + 3+ 3 ). Cette réalisation en 16 temps serait une structure rythmique dite "compensée". Voir plus bas avec enregistrement pour illustrer.
 

Un aperçu du début de la Touchia Raml_Al_Maya à Alger et sa structure (supposée) en douze temps.

 
Nous ne donnerons pas la transcription "intégrale" de la Touchia d'Alger pour la simple raison que cette Touchia a été "trop" bricolée par les musiciens (Çan'a et Chaabie). Aucune de ses six parties ne fait consensus parmi eux; exceptées la partie N°06, la partie N°02 (encore qu'une tradition mal interprétée chez les musiciens de Chaabie fausse le rythme 4/4 à ce niveau - cela passe inaperçu avec un accompagnement en 2/4 - ). Dans la partie N°01 certains font entendre deux temps supplémentaires (Sol) en début de pièce ( à la façon de la transcription de Rouanet ) et prolongent le Mi (de la mesure 3) sur quatre temps ce qui au final introduit comme un premier pavé de 16 temps sur une structure en 12 temps.

Version du début - Option 12 temps -

Pour écouter l'extrait ; ouvrir le fichier = TouchiaPartieUne
Pour écouter la version (à 4 Sol à la Rouanet) ouvrir le fichier = TouchiaPartieUne-Skandrani
 
Toutes ces interventions sur la Touchia d'Alger ont fini par la "fragiliser": On ne la joue pratiquement plus dans les associations de musique ou lors des représentations et festivals. Actuellement même les Chouyoukh du Chaabie ont opté pour d'autres ouvertures !

Partie N°06 - Version courante et "générale"

Pour écouter l'extrait ; ouvrir le fichier = TouchiaPartieSix

- Enregistrement Orchestre Ahmed Serri; CD accompagnant l'ouvrage "recueil de textes" -

 
On pourra (faute - ou en attendant - d'avoir la transcription complète de la Touchia d'Alger) comparer les versions Alger et Tlemcen pour ces deux parties (N°01 et N°06)
 

Les Signatures utilisées

 
Dans la Touchia de Tlemcen on utilise trois signatures différentes tout au long de la pièce; plus la signature de la Coda (fin de la pièce).
- La signature 1 a ceci de particulier qu'elle conclue sur le premier temps de la mesure (fin dite masculine ou appuyée). Et on peut considérer que la Coda sera aussi dans cette configuration (même si elle n'est pas mesurée).
- Les signatures 2 et 3 (les plus spécifiques à cette Nouba) concluent sur le 3ème temps de la mesure (fin dite féminine ou suspendue "Maalqa").
 
Dans la version jouée par Redouane Bensari (plus haut) on remarquera que la fin de la Partie N°05 a une signature (motif de conclusion) différente (plus courte). De la même façon Redouane semble "préférer" la signature algéroise pour les parties N°02, 03, 04 : Cette signature ne diffère de celle que nous avons notée pour Tlemcen que par une seule note (un Mi pour Alger et un pour Tlemcen - première croche de la dernière mesure de la signature). Voir plus bas sur la transcription - notes bleues et rouges-
 

 
On notera la grande similitude dans l'utilisation des signatures pour conclure les différentes parties des deux Touchia. Même si à Alger on retrouve des formes "tronquées" pour ces signatures et une signature (masculine) supplémentaire pour conclure la Partie N°04 (signature numéro 4).
 
Enfin, on notera les deux "conceptions" du Tab' - mode - c'est-à-dire les deux façons d'amorcer la conclusion de la pièce (Coda) :
a) - La / Sol / Mi / Ré qui évite le Fa dans la pente descendante à Tlemcen (cette façon rappelle le Tab' Rasd algérois)
b) - Les positions Sol, Fa, Mi qui sont soulignées dans la pente descendante à Alger.
 
Question: Ces nuances, ces légères différences sont-elles d'ordre esthétique ou ont-elles un caractère plus fondamental ?
 

Pour méditer ....

 
Les ouvertures instrumentales ne sont pas nombreuses dans le répertoire algérien (Touchia, Tshembar, Bashraf, Mracha...). Elles se présentent avec des structures complexes qui n'ont pas encore livré tous leurs secrets. Mais une chose semble se dégager de l'analyse de ces ouvertures : Les paradigmes de la musique instrumentale ne semblent pas coïncider avec ceux de la musique vocale. (A quelques exceptions près avec les passages de certains Krissi et autres fragments de Touchia qu'on retrouvera dans des pièces vocales pour le répertoire d'Alger et de Tlemcen.)
Rien ne permet donc de dire (pour le moment) que les Touchia reprennent des thèmes existants dans la Nouba (Meççadar, Btayhi, Derdj, Inciraf et Khlass). Car si c'était le cas on aurait (les musiciens) mis des paroles sur l'air des Touchia (histoire d'aider la mémoire à les retenir - comme cela s'est fait avec des pièces du répertoire de la Äla du Maroc -.
De même qu'on ne peut rien affirmer sur les structures mélodiques où on remarque l'utilisation (est-elle attestée ou pas ?) de plusieurs modèles : à 16 ou à 8 temps pour Tlemcen ce qui correspond respectivement aux rythmes Qcid et Bashraf, voire le 12 temps pour Alger. Il faudrait plus de recul pour se prononcer.
Dans le cas du répertoire Çanaa d'Alger l'étude des signatures présentes dans la Nouba Raml-al-Maya (et pas uniquement dans la Touchia) mérite qu'on s'y attarde un peu. C'est un sujet "inexploré" qui promet des résultats intéressants pour comprendre un peu l'évolution de cette Nouba Raml_Al_Maya et pour cerner les "connexions" entre Nouba d'Alger et de Tlemcen ... voire du Maroc où on retrouvera certaines de ces signatures...
Les répertoires ne sont pas aussi déconnectés ça !

Y.T

Alger, Novembre 2010

 

Bonus

 
Voici un enregistrement des années Radio Tlemcen (années 50) de la Touchia Raml_Al_Maya exécutée par l'Orchestre de Cheikh Larbi Ben Sari.
On remarquera que cette version est pratiquement identique à celle de redouane Bensari. (En fait on doit dire le contraire. Et Redouane nous prouve - en restituant fidèlement cette Touchia - qu'il est bien le disciple de son père Cheikh Larbi.
Redouane restera une solide référence (pour ce qu'on appelle l'école de Tlemcen) tant sur le plan pédagogique (respect des versions transmises) que sur celui de l'esthétique musicale (dans la mesure où il nous expose différentes techniques dans l'ornementation des morceaux.) Bien entendu, personne n'en doute, si on veut avoir une idée de la "pureté" de la tradition, de la construction de base des morceaux il faut se référer en premier lieu au Cheikh Larbi Ben Sari. (Merci à notre ami Mokhtar Hadj Slimane pour cet enregistrement).

TouchiaRamlAlMayaCLBS

 

Hommage

 
La transcription qui nous a servi de base pour cette page (Raml_Al_Maya) a été écrite d'après un enregistrement de l'association Al Hawa El Djamil (Tlemcen) sous la direction de Ahmed Mellouk., lors du premier festival de musique classique algérienne en 1966-67.
Cette association participera encore au deuxième festival (1969) avec un programme Rasd_Ed_Dhîl. (Enregistrement RTA - disque N°04 du coffret).
 
Cheikh Ahmed Mellouk est né le 03 Août 1931 à Tlemcen. Il apprend à jouer de la flûte (Fheul) et du Gnibri (instrument à cordes fait avec une carapace de tortue). Il côtoiera tous les grands maîtres de Tlemcen. En 1959; il fonde l'association de musique Al Hawa El Djamil qui participera aux premières grandes manifestations musicales de l'Algérie indépendante.
Artisan cordonnier et luthier, Cheikh Ahmed Mellouk a composé plusieurs chansons (patriotiques); certaines ont été enregistrées sur disques. De même qu'il avait formé une troupe de Tbal (Zorna) qui animait les cérémonies de mariage dans la ville de Tlemcen.
Depuis 1997 (année il a été victime d'un attentat à la bombe; sa santé s'étant détériorée - Allah Ishafih ! -) il a dû laisser de côté ses activités musicales.
 
Ref: Pour plus de détails consulter l'article de Allal Bekkaï sur le "Quotidien d'Oran du 04-09-2010.
http://www.djazairess.com/fr/Iqo/5142451
 

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